Il y a 40 ans, la Renault-Alpine A442B remportait les 24 Heures du Mans 1978
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Il y a 40 ans, la Renault-Alpine A442B remportait les 24 Heures du Mans 1978

24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442B
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442B

Après 11 participations aux 24 Heures du Mans entre 1963 et 1978, avec 55 voitures officielles engagées, ses 5 victoires au classement “Rendement Energétique” en 1964, 1966 et 1968, ainsi qu’à “l’Indice de Performance” en 1968 et 1969 et 7 victoires de classe, Alpine remporte enfin la victoire au classement général en 1978, avec la Renault-Alpine A442B pilotée par Jean-Pierre Jaussaud et Didier Pironi.

Évolution des Renault-Alpine A442A et A442B, l’A443 fut le modèle ultime de la “Période Jaune”. En 1978 qualifiés en première ligne, Jean-Pierre Jabouille et Patrick Depailler s’installaient en tête dès la septième heure après avoir résolus des problèmes de vibrations. Devant 180 000 spectateurs, la Renault-Alpine la plus puissante – moteur V6 Turbo 2,2 litres développant 530 chevaux – creusait régulièrement l’écart jusqu’à la 18ème heure. Au terme des deux premiers tiers de la course, la Renault-Alpine A443 devançait la Renault-Alpine A442B. Les Porsche étaient à plusieurs tours. Au cœur de l’équipe, on décidait de baisser la pression de suralimentation du turbo de la voiture de tête. A 9h21, la Renault-Alpine A443 repartait des stands. Au volant, Patrick Depailler recevait la consigne d’assurer sa position. 32 minutes plus tard, il immobilisait sa voiture à Mulsanne, moteur bloqué. La Renault-Alpine A443 laissait la première place et la victoire à la Renault-Alpine A442B de Didier Pironi et Jean-Pierre Jaussaud.

Alpine A443
Alpine A443

A443, nouvelle évolution

Après une sévère déconvenue aux 24 Heures du Mans 1976 et 1977, pôle et abandon les deux années, Renault-Alpine présente une nouvelle évolution, l’A443, qui pallie aux faiblesses identifiées sur les moteurs Renault-Gordini,créés par l’équipe de Bernard Dudot, utilisés l’année précédente. Le nouvel alésage fait passer la cylindrée de 2000 cm3 à 2140 cm3, apportant une trentaine de chevaux de plus que le V6 2.0L de l’A442. L’A443 se distingue par sa bulle enfermant son cockpit afin d’améliorer le coefficient de pénétration dans l’air.

24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442

La marque française, dont l’ambition est de gagner l’épreuve mancelle, pour sa dernière saison d’endurance avant d’engager son programme en Formule 1, se présente dans la Sarthe avec quatre voitures, ayant quelques différences (démultiplication finale, pression de suralimentation, aérodynamique) :
– Alpine A443 n°1 : Jean-Pierre Jabouille et Patrick Depailler
– Alpine A442B n°2 : Didier Pironi et Jean-Pierre Jaussaud
– Alpine A442A n°3 : Jean-Pierre Jarier et Derek Bell
– Alpine A442 “privée Calberson” n°4 : Jean Ragnotti, Guy Frequelin et José Dolhem

Avec 30 000 km d’essai au total au Castellet, Alpine espère avoir tourné le dos aux problèmes passés. Sur une piste privée aux Etats-Unis, clone de la ligne droite des Hunaudières, Patrick Tambay atteint son record de vitesse à 378 km/h !

24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A443 A442B A442A A442
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A443 A442B A442A A442

Porsche devant aux essais

Avec un chrono de 3’27”600, Jacky Ickx place sa Porsche 936/78 n°5 en pôle (abandon à la 19ème heure, sortie de piste). Derrière, Renault-Alpine est à la peine, Patrick Depailler sur l’A443 n°1 étant à plus de 3 secondes, en manque d’appui aérodynamique. Du côté de la marque dieppoise, le capot avant est allégé de ses balais d’essuie glace et Depailler descend à 3’28’400. Il demandera d’ailleurs à ce que la bulle soit retirée car le cockpit est envahi d’une chaleur insupportable. Elle sera conservée pour Didier Pironi et Jean-Pierre Jaussaud. A la troisième position sur la grille, se trouve la Porsche 935/78 “Moby Dick” n°43 suivie de la seconde 936/78 n°6. L’A442B n°2 est 5ème, avec un chrono de 3’35”700. En 6ème position, on trouve la Porsche 936/77 n°7. La Renault Alpine A442A est 7ème devant l’A442 “privée Calberson” n°4 en 8ème position.

24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442B et Porsche 936/78
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442B n°2 et Porsche 936/78 n°5

Duel avec Porsche en course

Sous un soleil de plomb, samedi 10 juin 1978 à 16h00, Raymond Poulidor abaisse le drapeau tricolore. Jean-Pierre Jabouille exécute un départ canon face aux Porsche. Il mène, dès le 1er tour, avec 12 secondes d’avance sur Jacky Ickx. Au second tour, le pilote belge s’arrête aux stands imité par la n°7 à cause d’une pédale d’accélérateur bloquée. Après une rapide réparation, les deux Porsche 936 repartent ensemble. Du côté de Renault-Alpine, les 3 protos dieppois mènent la course et l’écart avec Ickx se creuse à 5’22 d’avance. Une dizaine de minutes plus tard, à deux tours d’intervalle, la n°5 rencontre un problème d’injection et la n°7 un problème de serrage du turbo. Elles ont alors déjà un tour de retard sur les Renault-Alpine de tête.

24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442B
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442B
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A443

Après une heure de course, Jacky Ickx pointe à la 14ème place et Haywood est 34ème après avoir ravitaillé. Seule la Porsche 936/78 n°6 de Bob Wollek reste proche des Alpine n° 2 et 3. Patrick Depailler, sur la n°1, est dans les roues de l’Alsacien après une heure. Mais Renault-Alpine connaît des soucis avec son A443 et doit s’arrêter au stand suite à des vibrations anormalement importantes. L’équipe change les deux roues arrières mais rien y fait, le symptômes reviennent. Patrick Depailler doit effectuer un arrêt au 24ème tour, durant lequel sont changés les pneus avants, puis un arrêt au 25ème tour, pour passer les pneus arrières en gomme tendre. Il passe en 7ème position.

24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A443

À la fin de la quatrième heure, alors que les trois Alpine – respectivement n°2, n°1 et n°3 – dominent la course devant les trois Porsche, la 936/77 n°7 subit une avarie de pompe à essence qui l’immobilise durant 5 minutes. À la 5ème heure, l’Alpine A443, revenue près du trio de tête, perd également 5 minutes pour changer son étrier de frein avant gauche ainsi que les plaquettes avant. Revenu en course, Patrick Depailler dépasse la Porsche 936/78 n°5 d’Henri Pescarolo (qui a relayé Jacky Ickx) pour se positionner derrière l’A442B, qui maintient deux tours d’avance.

24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442B
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442B
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442B
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442B

A la 6ème heure, Henri Pescarolo doit s’arrêter au stand pendant 45 min suite à une problème de boîte de vitesse. Jacky Ickx reprend le volant de la 936/78 n°5 à la 19ème position. Peu de temps après, c’est le turbo de la 936/77 n°7 d’Haywood/Gregg/Joest qui casse. Treize minutes seront nécessaires à son remplacement. Du coup, l’équipe Porsche (lire nos articles, le garage Porsche à Téloché ici et ) décide de modifier ses équipages de pilotes : Jochen Mass va venir épauler Pescarolo, tandis que Ickx remplacera Barth aux cotés de Wollek. Pendant ce temps, la Porsche 936/78 n°6 pointe à la 2ème place, l’A442B n°2 ayant eu à son tour besoin d’un changement d’étrier de frein avant droit. L’Alpine A443 de Depailler repasse en tête, juste devant l’A442A n°3, l’A442B n°2 est 4ème, l’A442 n°4 est 5ème et “Moby Dick” n°43 est 6ème à 4 tours.

24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A443 A442B A442A A442
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442B A442A A442 et Porsche 935 et 936
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A443

Après un début de course solide, Renault-Alpine connait ses premiers soucis. Bell, au volant de la n°3, abandonne à la sortie du Tertre Rouge, le couple conique vient de lâcher alors qu’il venait de repasser devant la 936/78 n°6. Derrière, Wollek et Ickx remontent en 2ème position, à 2 tours. Mais un problème mécanique empêche la n°5 de prendre tous ses tours. Elle perd du terrain par rapport à la tête de la course.

24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442A
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442A

C’est le status quo pendant la nuit, le classement restant inchangé pour les deux écuries rivales jusqu’à 7h30 heures du matin. A 7h45, nouvelle alerte pour Renault-Alpine avec l’A442 n°4 privée Calberson, qui doit stopper pour changer le 3ème pignon de boite. Verdict, 32 minutes d’immobilisation. A 9h00, la Porsche 936/78 n°5 du duo Wollek/Ickx s’arrête aussi, 41 minutes pour changer le pignon de 5ème ! À peine 3 minutes plus tard, nouveau coup de théâtre avec “Moby Dick” qui perd les 51 minutes pour le changement du système d’alimentation moteur. La situation de Porsche s’aggrave, laissant le champ vers la victoire pour Alpine.

Alpine A443
Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A443
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A443

Bien que menant avec les A443 n°1 et A442B n°2 devant la Porsche 936/77 n°7 qui tient une cadence soutenue, Renault-Alpine décide d’assurer la fin de course et de jouer la sécurité en baissant la pression du turbo sur l’A443, à 9h21. Malheureusement l’effet escompté sera contraire, Patrick Depailler s’immobiliser à 9h53, moteur est bloqué ! Seule en lice en tête, l’Alpine A442B file vers la victoire avec 8 tours d’avance sur les deux Porsche. Mais la Porsche 936/77 de Jochen Mass abandonne sur sortie de piste, laissant la 936/78 n°6 derrière la Renault-Alpine en tête de la course. Ne baissant pas les bras, Ickx et Wollek diminuent leur retard à 7 tours peu avant 12h00, à quatre heures de l’arrivée.

Pendant ce temps, Pironi et Jaussaud assurent toujours la course avec prudence en ménageant la boite de vitesse. La fin de la course approche pour Renault-Alpine qui commence à toucher du bout des doigts la victoire. Au dernier arrêt aux stands, Didier Pironi se prépare à donner le volant à son coéquipier Jean-Pierre Jaussaud qui n’est pas des plus enthousiastes à l’idée de reprendre la compétition, d’autant plus au volant d’une voiture aux passages de rapports aussi complexes. Pironi repart sur la piste avec la pleine conscience des difficultés à surmonter jusqu’à la fin de l’épreuve. Avec une chaleur harassante sous la bulle, les dernières heures de pistes éprouvent le pilote Alpine.

24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442B
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442B
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442B
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442B

Mais les Porsche ne s’avouent pas vaincues, elles rattrapent leur retard qui diminue à 5 tours. Pour autant, Didier Pironi franchit la ligne d’arrivée en première place avec l’Alpine A442B, dépassant la barre des 5000 km pour la 1ere fois depuis 1971 et l’époque des Porsche 917 (lire notre article ici, Porsche Legend of Le Mans). Le classement final est donc le suivant : 5 tours d’avance pour l’A442B n°2 qui a gagné à plus de 210 km/h de moyenne, record du circuit depuis la création de la nouvelle portion. Ce record est définitif puisque le Tertre Rouge évoluera dès l’année suivante. Malgré un tracé rendu plus rapide par cet aménagement, il faudra attendre 1983 pour qu’une voiture victorieuse fasse mieux que l’Alpine. De trois kilomètres seulement !

24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442B
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442B
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442B
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442B

Épuise et déshydraté, Didier Pironi s’évanouiera avant de rejoindre le podium où l’attend Jean-Pierre Jaussaud. Celui-ci ne pourra retenir ses larmes lorsque retentira une Marseillaise tant attendue. Mais Renault douche tout le monde alors que le champagne s’arrête juste de couler sur le podium, la firme au losange – par la voix de son PDG Bernard Hanon – se retire de l’endurance et des 24 Heures du Mans, comme l’on pouvait s’y attendre, au profit de la Formule 1.

L’A442 n°4 termine quatrième derrière les deux Porsche 936 dont la n°7, à 7 tours de la tête. Sur la n°6, Ickx n’a pas réédité l’exploit de 1977… Wollek confiera que les 936 perdaient 500 mètres sur les Hunaudières face aux Alpine. En course, effectivement, les Porsche 936 rendaient 20 km/h aux Alpine A442, 30 km/h à l’A443 ! Et si Ickx parvint à signer un joli 3’37″600 à bord de la n°6 au matin, il avait fait mieux l’année précédente en 3’36″500. Cela tendrait à prouver deux choses : Jacky n’avait peut-être pas retrouvé son état de grâce de 1977 et la Porsche 936/78, bien que plus rapide que la 936/77 sur l’ensemble de la course, n’était pas l’arme que pensait tenir Porsche… Les deux meilleures Alpine furent d’ailleurs plus rapides encore : 3’36″900 pour Pironi et 3’34″200 pour Jabouille, Depailler ayant signé un 3’34″800. Pour “Moby Dick”, la fin de course fut un calvaire. Agonisante et fumante, elle a dû s’incliner face à deux Porsche 935 privées, terminant finalement 8ème à 43 tours.

24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442
24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442

Le lendemain, pour son triomphe sur les Champs Elysées, l’A442B n°2 sera remorquée… car le V6 n’a pas voulu repartir !

24 Heures du Mans 1978 - Renault-Alpine A442B
24 Heures du Mans 1978 – Renault-Alpine A442B

Vidéo, l’Alpine A442B V6 Turbo aux 24 Heures du Mans 1978 :

Vidéo, Alpine aux 24 Heures du Mans 1977 et 1978

Crédit photos et source @ Renault et Alpine

A propos de l'auteur

Pierre Henri Brautot (@PH_Brautot)

2 commentaires

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  • Merci beaucoup du compliment, Antoine 😉

    Oui, les équipages pouvaient être remaniés en cours d’épreuve, afin d’optimiser les chances de victoires des équipes quand leurs pilotes de pointes abandonnaient prématurément.

  • Je ne savais pas que les équipages pouvaient être remaniés pendant la course !
    Bel article, merci

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