Deux ans après l’exceptionnelle édition du Centenaire, Le Mans Classic 2025 clôt une ère devant plus de 238 000 passionnés, avant de se réinventer en deux rendez-vous annuels.
Depuis 2004, le monde de l’automobile historique se retrouve tous les deux ans au Mans pour Le Mans Classic (lire ici), la plus grande rétrospective mondiale des 24 Heures du Mans (lire ici), attirant collectionneurs et des centaines de milliers de spectateurs venus des quatre coins du monde. Cette édition 2025 est particulière : elle marque la fin d’un format connu depuis la première édition.
Dès 2026, Le Mans Classic se divisera en deux événements complémentaires :
– Le Mans Classic Heritage (1923-1975), une immersion dans l’âge d’or de l’endurance avec ses plateaux mythiques et son ambiance vintage,
– Le Mans Classic Legend (1976-2015), célébrant les prototypes et GT qui ont écrit l’histoire contemporaine des 24 Heures du Mans.
Ce renouveau, initié par l’ACO et Peter Auto, a animé les débats dans le paddock cette année. Pour l’instant, revenons aux plateaux les plus anciens, ceux que l’on ne retrouvera pas avant 2027 dans la Sarthe…
Plateau 1 : L’entre-deux guerres
Le Plateau 1 est un véritable voyage dans le temps. Celui des pionniers, de l’entre-deux-guerres, où les voitures n’étaient pas encore aérodynamiques mais déjà redoutablement vivantes. Sur les 13 kilomètres du circuit du Mans, ces machines centenaires ne sont certes pas les plus rapides, mais elles offrent un spectacle d’une autre nature : celui d’une mécanique brute, exigeante, qui sollicite chaque muscle et chaque sens du pilote.
Parmi les fidèles de cette époque héroïque, on retrouve une belle brochette de Talbot AV105, avec notamment les mythiques « GO 53 » et « GO 54 », deux ex-Talbot d’usine ayant couru aux 24 Heures du Mans en 1931 et 1932. « GO 53 », fière de son glorieux passé, arbore une plaque rappelant son exploit : 3ème au général et 1ère de sa classe en 1931. Un morceau d’histoire, encore bien vivant dans les stands comme en piste.
Si l’on reconnait facilement les silhouettes emblématiques des Bugatti, Alfa Romeo et autres Bentley, le plateau regorge souvent de curiosité : ici une Lagonda V12 Le Mans de 1938 dont la ligne racée et la mécanique sophistiquée témoignent d’une époque où luxe et performance ne faisaient qu’un.
Les premiers tours de roue, vendredi après-midi, se sont déroulés sous une chaleur écrasante, mettant à rude épreuve ces mécaniques presque centenaires.
Pour les pilotes, c’est l’occasion de prendre la température, mais aussi un peu l’air !
Après avoir enchaîné les meilleurs temps en début de séance qualificative, Daniel Balfour doit malheureusement immobiliser sa Talbot AV105 Alpine aux stands, victime d’une casse moteur.
En piste, les Alfa Romeo 8C ont dominé les trois courses, s’offrant les première et deuxième places du classement général. La troisième marche du podium revient quant à elle à une élégante Delahaye 135 S.
Pour les passionnés d’anglaises, voici une superbe Bentley 4 ½ Litre Tourer de 1929, qui ne manque pas de charme ni de caractère.
On connaît la légendaire agilité des Bugatti. Lors de la première course, Thierry STAPTS et Eric PEROUSE ont réalisé une superbe remontée depuis le fond de grille, menant leur Bugatti T35 jusqu’à une belle 7ème place. Tout en élégance, Marion BORDES MONIER et sa Bugatti T51 ont quant à elles décroché une 14ème place au classement cumulé.
Une voiture d’avant-guerre équipée d’un hard-top, c’est suffisamment rare pour mériter d’être souligné.
Plateau 2 : 1949 – 1956
Le Plateau 2 rassemble certainement les premières voitures qui viennent à l’esprit du grand public lorsqu’on évoque les 24 Heures du Mans. Après la guerre, de nouveaux acteurs comme Ferrari, Jaguar, Aston Martin et Mercedes ont fait leur entrée dans la course, s’affrontant pour la victoire au classement général. Pendant ce temps, des marques plus modestes comme DB Panhard jouaient une autre partition, celle de l’Indice de Performance, une récompense très convoitée à l’époque.
Dans le paddock, les visiteurs ont pu admirer de près cette Allard J2X Le Mans, un véritable bijou de l’après-guerre qui incarne parfaitement l’esprit de compétition de l’époque.
Le Mans Classic, c’est aussi l’occasion de belles rencontres… y compris dans les campings, notamment au camping du Houx qui réunit tous les participants. Il n’est donc pas étonnant d’y croiser une Ferrari 750 Monza et une Ferrari 121 LM Scaglietti Spyder, stationnées au milieu des camping-cars. Restez là, on en reparle dans quelques instants…
En piste, à l’image de 1953, la Jaguar Type-C a une nouvelle fois dominé la concurrence. Aux commandes de la #15, Nigel WEBB et Chris WARD s’imposent dans les trois courses, remportant ainsi logiquement le classement général. Juste derrière eux, la lutte fait rage avec une Cooper T39 et une élégante Mercedes-Benz 300SL.
S’il existait un prix de la combativité, il irait sans doute à l’Aston Martin DB3S, qui termine au pied du podium avec un style remarquable ! Simply lovely !
Revoici les Ferrari.
Prenons un instant pour apprécier la Ferrari 121 LM, châssis #0484LM (lire ici notre article), l’un des quatre exemplaires produits et le seul avec cette carrosserie unique en alliage, dessinée par Scaglietti. Voiture d’usine de la Scuderia Ferrari, elle a notamment courue aux Mille Miglia 1955 et a été confiée aux mains des plus grands pilotes de l’époque : Forilan Gonzalez, Maurice Trintignant, Umberto Maglioli, Piero Taruffi, Carroll Shelby et Phil Hill. C’est d’ailleurs aux mains de Phil Hill que cette Ferrari 121 LM signera sa dernière victoire, à Palm Springs en 1957.
À cette époque, Porsche ne joue pas encore la victoire au classement général, se concentrant plutôt sur l’indice de performance avec ses petites cylindrées. La Porsche 356 carénée de Jean-François Penillard se classe ainsi 8ᵉ à cet indice. Cette année 2025, ce sont deux modestes Renault 4CV 1063 qui s’imposent dans cette catégorie, illustrant la diversité des luttes sur la piste.
Vous aurez reconnu la Porsche 550A Spyder à bord de laquelle Patrick Peter a participé au Tour Auto en avril dernier (lire ici).
Véritable pièce de musée, les Ferrari ont été choyées par leur propriétaire, qui avaient pour objectif de finir le week-end sans encombre. Objectif atteint pour la 750 Monza.
Plateau 3 : 1957 – 1961
Après le retrait brutal de Mercedes en 1955, suite au drame du Mans (lire ici et là aussi), la scène est laissée aux constructeurs britanniques et italiens pour écrire la suite de l’histoire. Jaguar frappe fort avec une troisième victoire consécutive de la Type D en 1957. L’année suivante, Ferrari impose sa redoutable 250 Testa Rossa, avant qu’Aston Martin ne vienne bouleverser l’ordre établi en 1959 avec la célèbre DBR1. Mais à partir de 1960, Ferrari entame ce qui restera comme l’une des plus grandes dynasties de l’endurance : six victoires d’affilée, jusqu’en 1965. Le Plateau 3 du Mans Classic 2025 rend un vibrant hommage à cette période de transition, de rivalité et d’excellence mécanique.
Aucune 250 Testa Rossa n’était engagée cette année dans le Plateau 3, mais les amateurs de cavallino n’ont pas été déçus pour autant : pas moins de six Ferrari 250 GT SWB étaient présentes en piste, dont l’un des exemplaires les plus singuliers de l’histoire de la marque. Surnommée la « Breadvan », cette version profondément modifiée arbore une carrosserie profilée et allongée, pensée pour défier l’aérodynamisme des 250 GTO.
Évidemment, quelques Jaguar Type D figuraient également sur la grille de départ, véritables icônes de la fin des années 50, avec leur ligne élancée et leur dérive verticale caractéristique.
Aux côtés des Lister Jaguar Knobbly, ici maitrisée en sortie d’Arnage par Saif Assam, qui malheureusement souffrira d’une casse moteur en quelques tours de roue seulement…
Le Plateau 3, c’est aussi l’occasion d’admirer en piste des petites cylindrées au caractère bien trempé, à l’image de la DB HBR Spyder Le Mans, aussi légère que bruyante, qui ne passe jamais inaperçue malgré ses modestes performances.
Cet engin à la bouille aussi sympathique qu’inhabituelle, c’est une Marcos Gullwing. Oui, avec de véritables portes papillon ! Engagée aux 24 Heures du Mans 1962, elle n’ira malheureusement pas au bout de l’aventure, trahie par une casse moteur.
Deux Alpine M63 figuraient également sur la grille du Plateau 3, témoignant des premiers pas de la marque dieppoise dans l’histoire des 24 Heures du Mans.
Les fortes chaleurs n’ont pas épargné les belles de Maranello, qui ont connu une véritable hécatombe tout au long du week-end. Plusieurs Ferrari, pourtant redoutables candidates à la victoire, ont dû renoncer prématurément, trahies par la mécanique ou des débuts d’incendie.
Dimanche, pour la troisième et dernière course du Plateau 3, les pilotes ont eu le privilège de s’élancer avec un départ « Le Mans ». Un moment toujours chargé d’émotion, où l’histoire prend vie : les pilotes traversent la piste en courant pour rejoindre leur monture, comme à l’époque.
Si la frénésie règne habituellement dans les stands au Mans, le dimanche à 15h sous la pluie, avec une vingtaine de voitures déjà contraintes à l’abandon, l’ambiance y est tout autre. La pit lane est beaucoup plus calme, les pilotes prennent le temps de souffler et parfois même de raconter, sourire en coin, les belles frayeurs qu’ils viennent de se faire.
D’un point de vue purement sportif, le suspense aura duré jusqu’au bout dans ce Plateau 3. Hans Hugenholtz et Emanuele Pirro ont ouvert le bal avec brio en remportant la première course au volant de leur redoutable Lister Jaguar Costin. Dans la nuit de samedi à dimanche que la Ferrari 250 GT SWB #5 de Diego Meier et Remo Lips a frappé fort, s’adjugeant la victoire dans la seconde manche. Enfin, sous une pluie persistante, Thomas et James Alexander ont parfaitement maîtrisé leur Aston Martin DB4 GT pour s’imposer lors de la troisième course, disputée dimanche.
Mais au cumul des trois courses, c’est bien la constance de la Ferrari #5 qui fait la différence : Meier et Lips s’offrent le classement général du plateau, devant une Maserati Tipo 61 Birdcage et la DB4 GT des Alexander. Ferrari triomphe donc encore une fois dans cette période charnière… mais la montée en puissance des Ford dans le Plateau 4 laisse présager une suite plus disputée. La domination italienne vacille.
Les classements complets de Le Mans Classic 2025 sont consultables > ici <.
Crédit photos @Matthieu Bourgeois