Qui n’a jamais rêvé de dessiner, concevoir et construire sa propre voiture ? Anthony Jannarelly a réalisé ce rêve et nous avons pu essayer le premier modèle de sa marque, la Design-1, une barquette légère équipée pour l’occasion d’un toit et d’un pare-brise. Anthony est basé à Dubaï, où il a rencontré un autre français, Frédéric Juillot, spécialisé dans le nautisme et les matériaux composites. Après avoir réalisé sa première voiture, la Lykan Hypersport, pour le compte de la marque libanaise W Motors, il décide de créer en 2015 sa “voiture idéale”, proche d’une Caterham ou d’une Lotus, chères à Colin Chapman le prophète du “Light is right”. C’est à cette époque que nous les découvrons et soutenons dans cette aventure naissante. Quatre ans plus tard, de passage à Lyon où la Jannarelly Design-1 est exposée durant Epoqu’Auto, nous avons pu en réaliser un (trop) court essai.
Plus forte est la passion
Bon élève, Anthony Jannarelly s’oriente des études d’ingénierie mécanique, à Dijon, suivit d’une échappée en Angleterre, à Nottingham. Sa passion de designer automobile qu’il avait mise de côté, il va pouvoir l’exprimer aux Arts Appliqués, à Lyon Bellecour. Mais les différentes disciplines du design qui y sont enseignées n’assouvissent pas sa soif. Son oncle bijoutier lui propose de l’épauler en dessinant des bijoux. Trois ans plus tard, n’ayant toujours pas trouvé réponses à ses questions, Anthony rejoint Coventry University pour y suivre un master en design automobile. Il y rencontre Ralph Debbas, un jeune libanais, qui comme lui rêve de créer sa propre marque, lui promettant qu’il serait le designer de W Motors, qu’il fonde en 2012. La suite, nous la connaissons. La Lykan Hypersport, première supercar du Moyen Orient dessinée par Anthony, connait son heure de gloire sous les projecteurs et les caméras du film “Fast & Furious 7”. Avec un petit budget, Anthony dut dessiner une auto agressive, bestiale à souhait. W Motors s’est adjoint pour ce projet les services de la Carrozzeria Viotti dont les italiens ne tarissent pas d’éloges à propos du “francese”. L’auto motorisée par une mécanique RUF marque les esprits. W Motors lui confie, le design de son second modèle, la Fenyr SuperSport produite à 25 exemplaires.
Cobra-rossa
A la question récurrente : “quelle est votre voiture idéale ?”, Anthony dessine une barquette, l’opposée des Lykan et Fenyr : conception contemporaine, performances modernes, design rétro, lignes fluides et épurées mêlant courbes et rondeurs, légères… comme la masse cible de 800 kg. L’idée ? Des caractéristiques qui se résument à l’essentiel : pas besoin de forte puissance, de 4 roues motrices et directrices, de jantes de 20 pouces ou d’un GPS sophistiqué. Seules comptent les émotions et les sensations, aussi pures soient elles. Puisqu’elle est dessinée, autant aller au bout de la démarche et la construire. A Dubaï, où W Motors s’est installée, Anthony rencontre Frédéric Juillot spécialisé dans les bateaux et les matériaux composites. Passionné par le projet d’Anthony il décide de l’aider et à cette occasion de produire un second exemplaire, pour lui. La conception s’en remet aux techniques éprouvées et fiables : un châssis tubulaire en acier soudé, des panneaux structurels en aluminium, des suspensions réglables à double triangles superposés, un groupe moto propulseur situé en position centrale arrière et une transmission d’un grand constructeur, une carrosserie composite avec des éléments en fibre de carbone. Le premier prototype de la Jannarelly Design-1 voit le jour en 2016 et mi-2017 la production est lancée (lire ici) après une première levée de fonds versées par des investisseurs français. 2018 voit l’arrivée des premières livraisons, une quarantaine de Design-1 ont été livrées sur les 499 exemplaires prévus.
Restomod inversé
Depuis quelques années, la tendance des Restomods connait un succès croissant dans l’automobile : moderniser une ancienne pour lui donner un design et un comportement contemporains, sans dénaturer les lignes originelles, à coup de restaurations et de modifications, afin qu’elle soit meilleure que neuve. Bien différente du Tuning, la démarche Restomod permet à une classique d’allier les avantages partiels d’une moderne en gardant le charme d’origine. Les plus connus de cette discipline le sont par la qualité de leur travail, dont les tarifs crèvent les plafonds : Singer Vehicle Design, RUF, Emory Motorsport ou DP Motorsport. Anthony Jannarelly propose l’inverse avec la Design-1 : il habille une base moderne d’une carrosserie rétro. Mais alors, c’est du Backdating me direz vous ? Le backdating consistant à partir d’une base moderne pour lui donner le look d’une classique, c’est le chemin opposé au Restomod, pour un résultat quasiment identique. Avec la Jannarelly Design-1 il y a un peu de cette idée… sauf que le look classique n’est rattaché à aucun modèle précis ayant existé précisément. C’est une évocation d’une voiture de sport des années 60’s/70’s, âge d’or de l’automobile. Et surtout, Anthony Jannarelly n’est lié à aucun constructeur comme Singer, RUF, Emory ou DP. Qu’arrive t il si Porsche décide que leurs travaux portent atteinte à son image ? C’est la fin de leurs activités. Rien de cela avec Jannarelly qui s’achète la liberté.
Dr Jekyll & Mr Hyde
Pour mouvoir les 810 kg de la Design-1, Anthony Jannarelly s’est tourné vers Nissan, qui lui fournit l’ensemble moteur et boite de vitesses. Pourquoi la marque japonaise ? Parce le V6 atmo 3.5L issu de la 350Z est homologué sur tous les continents contrairement au V6 3.7L Ford qui motorise la Mustang et que l’on trouve sur la Ligier JS 2R par exemple (lire ici) De son petit nom VQ35HR (pour “High Response and High Revolution”), c’est une version “re-mappée” via une ECU Links qui équipe la Design-1, disposé transversalement. Il développe une puissance de 325 ch à 6 800 tr/min (régime maxi 7 500 tr/min) pour 371 Nm à 4 800 tr/min. Il est associé à une boite manuelle à 6 rapports. C’est du plug and play, solide et sportif, sa maintenance est aisée et connue. La transmission est complétée par un différentiel à glissement limité mécanique et le Traction Control est une option. C’est d’ailleurs la seule aide électronique disponible puisque la Jannarelly Design-1 n’offre aucune aide à la conduite : pas d’ABS, pas de direction assistée, pas d’assistance de freinage… du “pure driving” on vous dit ! Le freinage est confié à disques ventilés pincés par des étriers Wilwood qui ont remplacés les Lotus d’origine, 4 pistons à l’avant et 2 pistons à l’arrière équipés de plaquette racing. Ils sont couverts par de jantes de 16 pouces, chaussées – au Moyent Orient – de pneus Toyo R888 (215/50R16 AV et 245/45R16 AR), idéal pour les routes lisses et chaudes de Dubaï. En Europe, ce sont des Pirelli P Zero Rosso, pour le moment. Et pour le look rétro, leur flancs sont hauts contrairement à la mode actuelle des tailles toujours plus basses.
La Design-1 est de dimensions compactes : Longueur 3,86m, largeur 1,84m, hauteur 1,08m, empattement 2,425m avec des voies de 1,584m à l’avant et 1,60m à l’arrière. C’est pour cette raison qu’Anthony a privilégié le V6 au V8, moins gros et moins lourd. Le réservoir d’essence affiche 48L de contenance. L’accès à bord demande de la méthode. Je suis pourtant habitué à une cinématique corporelle imposée par ma Lotus Elise Série 1. Pourtant je dois reprendre mes marques pour me glisser dans les baquets en cuir. Une fois les harnais Sabelt réglés et attachés, il est temps de rabattre le toit en fibre de carbone d’une seule pièce. Deux petits vérins intérieurs le maintiennent en position. Un geste de la main permet de le mouvoir. Le verrouillage s’effectue à l’aide d’une poignée taillée dans la masse, comme une écoutille nautique, et deux loquets se bloquent au sommets des arceaux. L’espace intérieur est réduit, pour autant je n’ai aucun mal à caser mon grand mètre 80. Meurtrières des vitrages plexi ouvertes, pour la ventilation (la climatisation est de série), réglage des rétros, il est temps de réveiller la mécanique via un bouton poussoir situé sous un cabochon rouge issu de la compétition. Deux positions : contact et allumage. C’est délicieusement rétro, j’adore !
Le V6 nippon s’ébroue dans un feulement suggestif. L’échappement est spécifique et la sonorité s’apparente à un “stage 1 routier”. Le petit pommeau de vitesses tombe bien dans la main. Frein à main desserré, c’est parti. L’auto est facile à la conduite, douce et précise. Bien que n’ayant pas encore tous ses réglages châssis européens, je me sens comme dans un chausson. La suspension très rigide, typée circuit, gagnerait en souplesse et heureuse surprise, la Jannarelly Design-1 passe les dos d’âne sans encombre. Me voilà rassuré car de nombreux éléments de carbone peuvent s’y abîmer. La direction ressemble fort à celle des Lotus, un scalpel qui demande un minimum de rotation du volant Nardi de 33 cm. Très souple, le moteur se joue des embouteillage sur le couple et les verrouillages du levier de vitesse incite au rétrogradage pour entendre le son caverneux du moteur. Bien réglé, le pédalier autorise le talon pointe sans soucis. L’intérieur se pare de carbone et de cuir et l’unique objet de mon attention, en dehors de la route, est le tableau de bord avec ses 3 cadrans. Le compte tours est d’ailleurs devenu un manomètre à part, quittant le compteur de vitesse comme auparavant.
Ville, route, autoroute, la Jannarelly Design-1 ne craint aucun environnement. Direction, une spéciale du Lyon Charbonnière sur les hauteurs de Lyon. De quoi pousser le V6 Nissan revu par Nismo – pour le passage de 280 à 300 ch et plus – qui a modifié son caractère pour optimiser les hauts rendements : pistons renforcés, temps de levée des arbres à cames plus aiguisé, admission revue et modification du programme d’injection. Il offre deux facettes, docile sous 4 000 tr/min et brutale au dessus. C’est d’ailleurs une caractéristique qu’Anthony à voulu pour la Design-1. Garder ce côté brutale à la limite, à l’heure où la production automobile est toujours plus lisse et sage. Car il faut s’occuper au volant, pas le temps pour se distraire avec un “infotaitement” à dalle tactile. Non, ici les conducteurs totalement assistés et surveillés par l’électronique devront raviser leur caquet et mettre leur ego dans leur poche. Retour aux fondamentaux : transfert de masse, mise en appui, décomposition des séquences. Bien équilibrée, la Jannarelly Design-1 reste prévenante, mais son châssis mériterait des réglages plus aboutis. C’est une pure propulsion et elle n’hésite pas à faire dériver son popotin. Il faut juste trouver l’équilibre de la dérive en fonction de l’environnent. Le drift, elle le sait faire. Mais personnellement c’est dans les accélérations qu’elles est le plus jouissive et fun. Elle freine court se se place comme un vélo sur la route. Un régal !
Anthony Jannarelly continue le développement de sa marque – qui bien que n’étant pas encore une “Licorne” chère aux “start-upers” – va recourir à une seconde levée de fonds avec déjà des investisseurs internationaux de gros calibre issu du secteur automobile. La Design-1, déjà distribuée aux Emirats Arabes Unis, met une roue aux Etats-Unis, en Angleterre et en France où elle finalise son homologation “RTI” (réception à titre isolé) pour les deux premiers exemplaires français. Si la fabrication est pour le moment localisée à Dubaï, le duo Jannarelly-Juillot n’exclue pas de produire la voiture ailleurs, car la Design-2 est en cours de réflexion, totalement différente de la Design-1. Celle ci est proposée dans l’hexagone au tarif de 96 000 euro, auquel s’ajoute 10 000 euro de malus écolo 2019. Le hard top est en option (10 000 euro) et les options sont à la carte.
Nous remercions Anthony Jannarelly pour sa patience et le temps passé à nos côtés, pour ce moment de passion et de partage automobile.
Plus d’infos sur Jannarelly France et Jannarelly.com.
Crédit photos @ Walter Babic
Bonjour Georges,
Oui, la procédure de RTI est en cours mais elle a pris du retard. Jannarelly France pourra vous apporter plus d’infos à ce sujet.
Nous vous remercions de nous lire, nous vous souhaitons une belle journée.
Aura-t-elle un jour une homologation? Car pour le moment, je n’en ai jamais vu qu’en W garage.