Quoi un utilitaire sur AutomotivPress ?! Oui le boss n’était pas super ravi quand je lui ai parlé de ma dernière envie d’essai. Mais à l’approche du salon de New York et comme il est assez ouvert d’esprit, surtout en lui présentant l’engin comme « une Chevrolet avec un V8 5.3 litres », ça a un peu adouci sa rigueur éditoriale. Si le Ford F150 est le véhicule le plus vendu en Amérique du Nord, c’est bien qu’il doit y avoir une raison. Alors pour ne pas mourir idiot, et montrer au chef qu’il ne faut jamais dire jamais, je suis parti me confronter à son principal concurrent, le Chevrolet Silverado.
Taille camion aux hormones
Le premier choc en arrivant vers le Silverado est sa taille : l’engin est tout simplement énorme ! Il remplit bien sa place de parking avec ses 2m03 de large et surtout ses 6m09 de long !! Oui oui six mètres et 9 centimètres soit 106 cm de plus que le paquebot Merco’s Classe S, désolé c’est ce que j’ai de plus gros et plus « courant » comme référence pour une comparaison, parce que si je compare ça au 3m54 de la Fiat 500 (moderne) de Mme, forcément on visualise un peu moins… Coté hauteur il en impose aussi avec 1m88, je ne sais même pas si le camion que j’ai loué pour déménager était aussi gros, il va falloir s’habituer au gabarit avant d’aller tenter le créneau ou le slalom en centre-ville. Si on détaille un peu l’extérieur, on remarquera une face avant affichant fièrement un immense logo Chevrolet, histoire d’être sûr de ne pas le confondre avec ses concurrents Dodge, GMC, Toyota et bien sûr Ford. L’immense pare-choc chromé fait écho à la barre centrale et le haut de la calandre, ça n’aide pas à le rendre visuellement moins large mais l’ensemble est cohérent : robustesse et peur de rien. Le capot apparaît étonnamment travaillé avec ce double bossage, joli d’autant qu’on le voit de l’intérieur, mais purement esthétique puisqu’en ouvrant le capot un peu plus tard je constaterai que le V8 se cache bien au fond et bien en arrière de cet immense compartiment moteur. La suite du profil est beaucoup plus classique, la double cabine est … double, les passages de roues assez rectangulaires tranchent le profil pour ne laisser qu’un léger galbe sur le train arrière. On est loin des rondeurs sexy d’une Continental GT, mais au moins la benne n’est pas juste une boite cubique posée derrière la cabine, il y a un peu de rondeurs. Par contre de plein arrière, c’est là qu’il trahit ses origines et sa vocation utilitaire. Un hayon, des feux de chaque côté et voilà tout. Clairement pas l’angle le plus valorisant pour le Silverado.
On grimpe à bord
Dans cette finition LT plus civile qu’utilitaire avec la cabine multiplace, j’avoue ne pas trop savoir à quoi m’attendre en ouvrant la large porte. Et ben c’est pas si pire ! Un essayeur digne de ce nom jugerait certainement au premier regard les plastiques comme pas assez moussés ou trop jenesaisquoi, pour ma part ce qui me surprend en premier c’est l’espace. Les sièges sont larges, l’accoudoir central n’est autre qu’une 3ème place dont le dossier est replié et à l’arrière on pourrait charger 3 quarterback qu’ils seraient confortablement installés avec leur équipement sur les épaules. Heureusement qu’il y a de la place me direz-vous vu les mensurations de la bête ! Certes mais si on compare le ratio format extérieur / habitabilité intérieure, on est un sacré cran au-dessus du BMW X6 🙂 Allez je grimpe à bord, au sens premier du terme tant la marche est haute. Je comprends pourquoi il y a une grosse poignée côté passager et pourquoi je vais en croiser autant avec des marches pieds. Une fois sur le siège conducteur, me voilà face à un volant de taille tout à fait acceptable, un bloc compteurs complet, un infotainment au centre du tableau de bord suffisant (oui monsieur l’essayeur digne de ce nom, l’écran tactile ne fait que 8’’, mais c’est bien assez pour la caméra de recul, non ?) et une énorme commande de boite auto à droite du volant. J’ai l’impression de retrouver la 403 pick-up sur laquelle j’ai appris à conduire, en version XXL ! Heureusement une fois en position Drive il n’est plus visible, mais c’est vraiment ce qui accroche les yeux quand on embarque. Un rapide essai des places arrières confirme l’espace aux jambes et aux épaules, c’est du king size à tous les étages, incroyable surtout quand on regarde plus loin et qu’il reste encore une piscine olympique en plastique derrière !!
Gentleman, start your vi-height !
Allez assez discuté et observé, il est temps de tourner la clé pour donner vie au V8. Il se réveille vaillamment dans un ronron de bon aloi, l’échappement latéral à l’arrière droit doit résonner un peu contre la vitre latérale de la Civic voisine de parking. Je prends à pleine main le sélecteur de boite, P, N, R et hop me voilà sur Drive. Je lâche doucement la pédale de frein et le camion décolle au ralenti. La boite auto à 6 vitesses semble avoir des premiers rapports assez courts puisque à peine sorti du parking je suis déjà en 3ème sur un filet de gaz. Il faut dire que la vocation première de ce genre d’outils est de rouler chargé ou tracter de fortes charges quand les deux emplois ne sont pas cumulés ! Je me faufile avec attention pour trouver la route, oup’s je suis un peu à droite là, non ? Ah non je suis un peu à gauche aussi, oui en fait je rempli toute la voie de circulation à moi tout seul. La position de conduite est rassurante puisqu’on domine vraiment son sujet, les berlines standards que je crois ou dépasse ne me montrent que leur toit, même les gros trucks américains semblent moins impressionnant. Je suis clairement à mi-chemin entre la voiture et le camion…
Après quelques dizaines de kilomètres pour sortir du centre ville de Montréal, la route se libère et le trafic s’allège, voilà qui me permet d’apprécier un peu mieux le Silverado, mes sens étant moins focalisés sur l’environnement anormalement proche tout autour de la voiture. Je file désormais sur un filet de gaz, 1750 tr/min à 120 km/h stabilisés, les 519 Nm du V8 5.3 ne peine pas à entrainer les 2.4 t de mon embarcation même si la conso semble cohérente avec le gabarit de l’engin : conséquente. Durant les 600 km de la balade en compagnie de ce Chevrolet, sur parcours mixte on va dire, la conso moyenne affiche un 15.6 l/100 km, ça commence à faire ! Faible consolation, le litre d’essence de ce côté de l’Atlantique affiche un cours bien plus raisonnable que par chez nous. En parlant de raisonnable, si on décidait d’écraser la pédale de droite pour voir ce qu’il se passe ? La claque, le V8 crache ses 355 ch, et bien aidé par les rapports proches de la boitoto, le déplacement devient fort dynamique avec des mises en vitesses surprenantes vu les masses en mouvement. Les reprises sont tout aussi impressionnantes (pour le gabarit de l’engin je le répète, n’allez pas croire que vous allez terrasser une Nissan GT-R avec cet utilitaire, pas d’origine en tous cas !), avec une sonorité plutôt sympa : le V8 glougloute fort et devient métallique au plus il grimpe le compte-tour. Durant cet essai j’ai pu faire quelques dizaines de kilomètres en Ford F150 V8 5.0 litres, pour voir ce que fait la concurrence, et je dois confesser que la bande son est encore mieux du côté de l’oval bleu, mais on est déjà bien servi chez Chevrolet.
Accélérer fort en ligne droite sur ses roulettes en 275/55R20, voilà une belle ricaine me direz-vous ! Les clichés ont la vie dure, car avant d’attaquer un peu dans le sinueux pour malmener mon camion, il a fallu que j’y aille progressivement pour prendre confiance dans la bête. Mais au final la surprise est belle puisque même si le train arrière saute un peu (il est conçu pour rouler chargé) le grip est étonnant et le roulis carrément maîtrisé. Chevrolet a semble-t-il su trouver le compromis entre le confort et la rigueur pour faire de cet utilitaire un daily capable de se déplacer relativement vite en tout sécurité et plein confiance. Chose pas évidente avec un utilitaire européen qui aura bien plus de mal à rouler fort avec autant de sérénité. Et quand il faut s’arrêter, les freins répondent présents et nous plaque sur la ceinture de sécurité, là aussi on sent que le tout est dimensionné pour la version je roule avec du matos dans la benne, appréciable et rassurant. En même avec des disques de 330 mm à l’avant et 345 à l’arrière, on comprends que ça ralentisse plutôt bien ! Par contre pour le côté écoresponsable, on repassera : dès que l’accélérateur se trouve un peu plus sollicité, l’indicateur de conso instantanée sature immédiatement à 39.9 l/100 km pour ne plus lâcher cette valeur pendant de longs instants. L’aéro de brique à roulettes et le poids de l’engin ne l’aide pas sur ce plan. J’imagine volontiers que rouler chargé (la benne hein, pas le conducteur) ou tracter doivent se ressentir immédiatement aussi. Mais avec un réservoir de 98 litres (ou 128 litres sur la version simple cabine), on a le temps de chercher la prochaine station service.
En parlant de tracter, vous allez pouvoir aller sur circuit avec toutes les Elise ou Speedster des copains : le gros argument commercial du Silverado est sa capacité de 12.500 lbs (soit 5.670 kg) avec des connections pneumatiques pour les freins de la remorque, monitoring de la température de l’huile de transmission et de la pression de service de la remorque entre autres attentions. La benne pleine de slicks, la cabine pleine de potes, 6 Elise sur un plateau géant et vous voilà mué en transporteur de l’extrême aux commandes d’un convoi d’un peu plus de 9 tonnes ! Avouez que ça aurait de la gueule de débarquer en trackday avec un tel attelage. Et pour le coup l’impact carbone du convoi redevient raisonnable divisé par 6 occupants que vous seriez. Bref arrêtons de rêver car pour être honnête un pick-up de ce format-là aurait la vie bien dure en Europe. Clairement il n’est pas adapté à nos infrastructures, que ce soit la largeur des voies de circulation ou la longueur des places de parking, on est vraiment dans la catégorie petit camion rapporté à notre échelle. Mais si vous habitez au milieu d’une campagne désertique, ne citons pas la Creuse sous peine de blesser certains, ce genre d’engin pourrait être une option intéressante. Les capacités off-road font aussi partie de la bonne réputation du Chevy, plusieurs mode de traction permettent en théorie de ne pas se retrouvé coincé dans les bois avec une lourde remorque de bois, sur la neige en tous cas il se débrouille très bien.
Reste alors à se rendre chez le concessionnaire Chevrolet le plus proche, ou plutôt l’importateur de ricaines le plus proche puisque le Silverado n’est pas importé officiellement, ne pas craquer pour une Corvette Z06 voisine de showroom et s’acquitter de la coquette somme de 74.900 € le ticket d’entrée pour le pick up en 5.3 litres ! Vous aurez alors dans les mains tout le confort et l’équipement d’une berline moderne avec en plus la capacité de chargement et traction d’un camion de livraison (ou d’un Defender !). La liste d’options est longue (je retiendrai volontiers le V8 6.2 de 420 ch avec la BVA 8 rapports) et celles des accessoires encore plus, tout est dispo pour ne pas avoir le même camion que votre voisin, un peu comme avec la New Mini de Mme. En tous cas c’est une expérience à vivre au moins une fois, pour avoir un gout d’Amérique sous le pied droit, et au risque de vous surprendre je dirai même que ça m’a plutôt plu…
Crédit photos @ Ambroise Brosselin.