Bentley Supersports : Crewe brise tous les codes

L’annonce de la nouvelle Supersports est une rupture radicale avec la future philosophie électrique de Bentley… qu’elle en devient choquante. Depuis des décennies, le nom Bentley évoque un luxe opulent, un confort souverain et une puissance feutrée. Mais aujourd’hui, la marque de Crewe arrache sa veste en Tweed pour un blouson en Cuir glacé, jette l’hybride à la poubelle et construit une machine sans compromis surnommée… « Mildred ».

Rejet de l’hybride pour le pur plaisir thermique

Alors que toute la gamme Bentley bascule vers l’hybride, à l’image de la nouvelle Continental GT Speed de 782 chevaux, la Supersports prend le contre-pied le plus total. Elle opte pour un V8 biturbo de 666 chevaux purement thermique, sans la moindre assistance électrique. Le paradoxe est total : sur le papier, elle est moins puissante que ses sœurs. C’est non seulement moins que la version Speed, mais même moins que le modèle de base hybride de 680 ch !

Cette décision est un véritable manifeste mécanique contre l’obsession des chiffres, privilégiant la pureté, la légèreté et les sensations de conduite directes. La pièce maîtresse de cette philosophie est un système d’échappement complet en titane signé Akrapovič, conçu pour une sonorité totalement authentique, sans aucune amélioration artificielle dans l’habitacle.

Le châssis utilise des doubles triangles en aluminium à l’avant, un essieu arrière multibras, des ressorts pneumatiques et de nouveaux amortisseurs à double chambre, contrôlés indépendamment par l’ECU en compression et en détente. Le « Bentley Dynamic Ride », système anti-roulis électrique 48 V exclusif, peut appliquer jusqu’à 1 300 Nm de couple anti-roulis en 0,3 seconde.

Une Bentley qui apprend à danser : la propulsion est de retour !

C’est une révolution : la Supersports est la première Continental GT de route de l’histoire moderne à abandonner la traditionnelle transmission intégrale pour une stricte propulsion. Ce changement fondamental transforme le caractère de la voiture, qui passe d’un grand tourisme stable et sécurisant à un « Bad Boy » plus joueur et exigeant.

Mais ce caractère n’est pas le fruit du hasard ; il est maîtrisé par une technologie de pointe, avec l’introduction d’un différentiel à glissement limité électronique (eLSD) et d’un système de torque vectoring agressif, une première pour un modèle de route. Pour les puristes, l’ESC peut être totalement désactivé, permettant un « survirage important mais hautement contrôlable » dixit la marque, confirmant sa vocation de machine pour pilotes.

Le contrôleur de dynamique de conduite propose trois nouvelles configurations :

• Le mode Touring correspond aux performances du mode Sport d’une Continental GT Speed, mais s’accompagne d’une hauteur de caisse accrue, d’un amortissement plus souple et d’un échappement plus discret.
• Le mode Bentley augmente les performances au-delà du mode Touring, avec une stratégie de boîte de vitesses, une pédale d’accélérateur et des réglages de châssis tous améliorés. Les soupapes du système d’échappement s’ouvrent pour améliorer le caractère sonore, et le contrôle de lancement devient disponible.
• Le mode Sport va encore plus loin, avec une optimisation ultime pour l’engagement du conducteur et un réglage pour une réponse maximale du châssis et du groupe motopropulseur.

La cure d’amaigrissement la plus extrême jamais vue à Crewe

La transformation la plus spectaculaire de la Supersports est sa perte de poids. Elle affiche près de 500 kg de moins que la Continental GT hybride (2 459 kg), passant ainsi sous la barre symbolique des deux tonnes. Pour visualiser l’ampleur du régime, la voiture a perdu l’équivalent d’une Caterham complète (lire notre essai ici). Cet allègement drastique a été obtenu par des mesures radicales :

• Suppression du système hybride et de la transmission intégrale.
• Toit en fibre de carbone.
• Abandon de la banquette arrière, remplacée par une coque en carbone et cuir.
• Système d’échappement complet en titane Akrapovič.
• Freins carbone-céramique (CSiC) de série.
• Moins de matériaux d’isolation phonique.
• Possibilité de supprimer certains systèmes d’aide à la conduite.

A noter les nouvelles jantes en alliage d’aluminium forgé et usiné de 22 pouces, développées en collaboration avec les spécialistes de Manthey Racing, disponibles en deux finitions : peintes en noir ou peintes en noir et usinées avec une touche métallique argentée.

Cette cure, qui modifie aussi la répartition des masses (54% / 46%), fait de la Supersports la Bentley la plus légère depuis 85 ans et métamorphose son agilité.

Quand la fonction dicte la forme : une aérodynamique sans compromis

Avec son apparence agressive, la Supersports rompt avec l’élégance discrète habituelle de la marque. Chaque élément a été dicté par la performance, à commencer par le plus grand splitter avant jamais monté sur une Bentley, des « dive planes » en carbone en forme de B, un diffuseur proéminent et un aileron arrière fixe. Le toit en carbone ne fait pas qu’alléger l’ensemble, il abaisse aussi crucialement son centre de gravité.

Le résultat est sans appel : plus de 300 kg d’appui supplémentaire par rapport à une Continental GT Speed. Preuve tangible de cette métamorphose, la Supersports peut encaisser jusqu’à 1,3 G d’accélération latérale avec ses pneus Pirelli Trofeo RS optionnels et s’équipe des plus gros freins jamais montés sur une voiture de série (disques de 440 mm et étriers 10 pistons à l’avant et 410 mm arrière à 4 pistons).

Ces éléments aérodynamiques sont tous le fruit de tests approfondis, leur forme étant dictée par leur fonction, aucun élément n’ayant été ajouté à des fins purement esthétiques.

L’histoire secrète du « Projet Mildred »

Cette grosse rebelle thermique n’est pas le fruit d’un plan marketing, mais d’un projet commando né de la passion d’ingénieurs. L’idée a germé en septembre 2024 au sein d’une petite équipe qui, pour prouver le bien-fondé d’une Continental GT propulsion de moins de deux tonnes, a construit un prototype secret en seulement six semaines.

Le projet a été baptisé « Mildred », un hommage à Mildred Mary Petre, dont on fête le 130ème anniversaire cette année. Loin d’être une simple pilote pionnière, elle a établi un record d’endurance phénoménal en 1929 en conduisant seule une Bentley 4½ Litre pendant 24 heures sur le circuit de Montlhéry. Cette origine secrète révèle une culture de passionnés au sein de l’entreprise et confère à la Supersports une âme et un héritage uniques.

500 exemplaires seront fabriqués à la main à Crewe. Les options de peinture commencent par une gamme de base de 24 couleurs ainsi que « cinq  thèmes de design ». La fibre de carbone extérieure est disponible en finition brillante, et les éléments inférieurs peuvent être entièrement peints ou rayés.

Pour l’habitacle, les 22 couleurs principales sont accompagnées de 11 couleurs secondaires et de neuf couleurs d’accent. Des couleurs unies, bicolores (de série) et une nouvelle combinaison tricolore unique sont disponibles, et la finition Dark Chrome est de série. Au lieu de la fibre de carbone à l’intérieur, les clients peuvent également choisir entre l’aluminium brossé diamant ou guilloché dans une finition teintée foncée, ou la simplicité épurée et élégante du noir piano.

Les images de lancement de la Supersports s’inscrivent dans un thème de design appelé « Nightfall » associant une peinture extérieure anthracite brillante à une touche de camel sur la partie inférieure de la carrosserie, ainsi qu’à des bandes camel sur la partie inférieure et au numéro 8 contrasté sur la calandre. L’intérieur est en Beluga et Camel, avec des accents Bronze.

Le dernier rugissement avant le silence ?

La Supersports est bien plus qu’une simple voiture de sport. C’est un baroud d’honneur pour le moteur thermique, une déclaration audacieuse juste avant le grand virage électrique de Bentley prévu pour 2030. Cette rebelle thermique est-elle le chant du cygne d’une époque révolue ou l’aube d’une nouvelle identité plus audacieuse pour Bentley ?

Source CP et photos @Bentley