Le Tour Auto 2019 de Jean-Pierre Lajournade
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Le Tour Auto 2019 de Jean-Pierre Lajournade

Tour Auto 2019 - Jean-Pierre Lajournade - Joris Clerc

Une semaine après l’arrivée de cette 28ème édition du Tour Auto, Jean-Pierre Lajournade s’exprime pour la première fois sur sa course, qui s’est achevée dans l’ES10 du Mont Dore (col de la Croix Saint Robert), lors de la 4ème journée. Le pilote français est extrêmement déçu de l’issue de cette course qu’il contrôlait depuis le 1er jour, comme leader au classement général.

AutomotivPress : “Jean-Pierre, comment débute ce Tour Auto pour ton équipage ?”
Jean-Pierre Lajournade : “Au Château de Vaux le Vicomte d’où est donné le départ, le plateau 3 part avant nous ce qui fait que nous partirons vers 7 h 45. Il fait un beau temps sec. Nous prenons l’autoroute A5 et nous dirigeons vers la première ES du jour (Les Gaillards) aux abords de Sens, Egriselles exactement. Avec le numéro 206 nous partons 6ème du plateau 4. Tout se passe bien. A la sortie de l’ES nous apercevons Ludovic Caron et son AC Cobra, partis 6 minutes avant nous, arrêtés moteur fumant. Il tentera de réparer mais ce sera fini pour lui quelques kilomètres plus loin, culasse de son moteur fendue. Nous réaliserons le 4ème temps à 13 secondes de Cottingham/Smiths sur une autre AC Cobra (l’an dernier ils étaient en GT40). Sur le circuit de Dijon, les essais se passent bien, je fais le 3ème temps. Cottingham fait le meilleur temps mais ne sera pas sur la grille de départ, il rencontre des problèmes et partira dernier depuis les stands. La GT40 de Wilson fait le deuxième temps. Dès le départ donné cette GT40 nous fera une frayeur en se mettant en travers dans la première grande courbe à droite du circuit. Tout le monde l’évitera. Je fais ma course, au milieu des Cobra. Je finis 2ème de cette course à 12 secondes, malgré des disques de freins voilés, derrière l’AC Cobra de Ben Gill (n°205).Tout va bien au cumul des temps nous sommes en tête avec 1 seconde d’avance sur lui. Le scénario ne peut pas être meilleur, nos deux principaux rivaux sont éliminés, Caron (abandon) et Cottingham est à 8 minutes.”

Tour Auto 2019 – Jean-Pierre Lajournade (Grand Palais)
Tour Auto 2019 – Jean-Pierre Lajournade (Dijon Prenois)
Tour Auto 2019 – Jean-Pierre Lajournade (Dijon Prenois) – Joris Clerc
Tour Auto 2019 – Vincent Aubry (Dijon)
Tour Auto 2019 – Jean-Pierre Lajournade (Dijon)

AP : “Le deuxième jour, tu consolides ton avance et ta place au classement général ?”
JPL : “Tout va très bien, nous réalisons le meilleur temps dans l’ES3 (Autun) en creusant un écart de 2 secondes sur Raphael Favaro et sa Lotus Elan, vainqueur de l’an dernier et qui sera désormais le concurrent à redouter. sur la circuit de Magny-Cours, la grille de départ est constituée d’après le meilleur du circuit d’avant. Je me retrouve en deuxième ligne, 3ème temps. La GT40 va faire cavalier seul, suivi de l’AC Cobra (205) de Ben Gill et je finis 4ème derrière l’AC Cobra de Freeman. Peu importe car il n’est pas dangereux au classement. La dernière ES entre Macon et Villefranche s/Saône (Marchampt) est une course de côte très connue. C’est en montée, sinueux et vite, un passage de col, une descente et une dernière partie étroite en sous bois. Le chrono sera terrible, meilleur temps ! Nous «collons» 19 secondes à Wilson (GT40), 22 secondes à Favaro (Lotus Elan), 46 secondes à Ben Gill (AC Cobra). Nous faisons les comptes à Lyon. Nous sommes en tête avec 4 secondes d’avance sur Wilson, 52 secondes sur Ben Gill, 1’09‘’ sur Favaro.”

Tour Auto 2019 – Jean-Pierre Lajournade (Autun)
Tour Auto 2019 – Christophe Bouchet (Autun)
Tour Auto 2019 – Jean-Pierre Lajournade (Autun)

AP : “Le lendemain, c’est une journée sans circuit avec 3 ES entre Lyon et Vichy ?”
JPL : “Oui, la situation est particulière le lendemain, il n’y a pas de circuit mais 3 ES dans les monts Du Forez, au Sud de Saint Etienne. Comme nous sommes plus performants en ES que les Cobra et la GT40, les écarts devraient se creuser. Seul Favaro et son agile Lotus Elan peut refaire une partie de son retard. Nous savons que nous devons enfoncer le clou lors de cette journée à venir afin de prendre la tête pour de bon. Le ciel est menaçant et la météo va fausser cette ES6 (Longes/Col de la Genouse). En effet le plateau 3 part juste devant nous, le temps est sec pour eux. Nous, plateau 4 partons juste après. Lorsque nous partons, de légères gouttes commencent à tomber et nous aurons une vraie pluie qui nous prendra à mi-parcours. Par contre Raphael Favaro qui part 5 places derrière nous, donc 5 minutes après, aura la pluie dès le départ. Au final nous faisons une bonne opération. Ben Gill (AC Cobra) sera à 32 secondes, Favaro (Lotus Elan) 34 secondes, Wilson (GT40) 34 secondes… Le ciel nous a favorisé. Pour l’ES7 (Montbrison), la météo est bonne, le temps est sec. Belle route sinueuse en montagne. Favaro fait le meilleur temps, nous faisons le 2ème temps, il nous reprend 9 secondes, la GT40 de Wilson est à 19 secondes, Ben Gill (AC Cobra) est à 20 secondes. L’ES8 (Augerolles) est délicate car très sinueuse et piégeuse car humide par endroits. Deux de nos concurrents vont s’éliminer. Wilson (GT40) arrachera une roue arrière sur un rocher et perdra 2 minutes 14 secondes. Ben Gill/David Didcok (AC Cobra n°205) feront je pense, la sortie de route la plus spectaculaire jamais vue lors d’un Tour Auto, tirant tout droit dans un virage à droite qui se refermait. Ils ont fait une chute de 15 mètres dans la forêt pour s’arrêter, l’AC Cobra étant perchée dans les arbres à plusieurs mètres de hauteur. Pour en revenir aux résultats, vu ces éliminations seul désormais Raphael Favaro, nous intéresse et dans cette ES nous le distançons de 7 secondes. A Vichy, nous sommes en tête avec 3 minutes 41 d’avance sur lui. Il va falloir gérer, il reste deux jours de course. Nous avons fait 8 épreuves, il en reste 6 et tout peut arriver…”

Tour Auto 2019 – Jean-Pierre Lajournade et Christophe Bouchet (Lyon)

AP : “Changement de rythme pour ce 4ème jour qui commence par le circuit de Charade ?”
JPL : “La météo annonce des nuages mais pas de pluie. Charade est un circuit mythique, aux abords de Clermont-Ferrand avec le Puy de Dôme en fond. Le ciel est clair mais très vite cela s’assombrit et d’un seul coup c’est un orage violent qui s’abat juste au moment où nous devons entrer en piste pour nos quatre tours d’essais. Il y a même de la grêle ! Nous attendons pour rentrer en piste et je me dis qu’ils ne vont pas oser nous lâcher sur la piste par un temps pareil. Et bien ils nous lâchent. Comme je suis dans les premiers en piste, la route est dégagée devant et malgré des flaques énormes sur la piste, je roule et visiblement bien car je ne vois personne revenir sur moi. Je suis en 2ème ligne, la GT40 (qui a réparé) est en première ligne, à côté de lui en première ligne, la place vide laissée par l’AC Cobra (205). A coté j’ai l’AC Cobra verte de Freeman mais lors des essais je l’ai doublée, il n’avançait pas. Je suis assez serein malgré les conditions dantesques. Le départ est donné et d’entrée je me retrouve en lutte avec la GT40, personne ne nous suit. Je vois la gerbe d’eau dans les rétroviseurs et personne derrière. Pendant deux tours je vais m’amuser à jouer au chat et à la souris avec la GT40 en le déboîtant au bout de la ligne droite pour faire semblant de vouloir le dépasser. Au bout de deux tours je décide d’arrêter le spectacle car une erreur est possible et donc je me cale derrière et j’attends que les tours passent. Kohler en Lotus Elan revient ainsi qu’une Alfa Roméo. Je les laisse passer par précaution et finissons les uns derrière les autres dans un intervalle total de 4 secondes. Notre seul concurrent, Favaro, perd 34 secondes. A cet instant nous avons 4 minutes 15 secondes d’avance !”

Tour Auto 2019 – Jean-Pierre Lajournade (Charade)

AP : “Que s’est il passé dans l’ES10 ?”
JPL : “Il fait froid, un peu de vent et le ciel est menaçant. Nous voici au départ de cette course connue et reconnue qui fait 5,5 km. Aucune difficulté apparente, si ce n’est une route étroite en montée, bordée de rails. Le goudron est parfait car pour les courses de côte en championnat d’Europe, il se doit d’être lisse. Nous sommes relax et au départ, disant à Christophe (Bouchet) : “bon celle là on se la fait cool”. La route est humide et je vois bien au départ en montée que l’AC Cobra devant nous patine. Je soigne mon départ pour éviter de trop patiner, il y a ensuite une grande courbe gauche annoncée comme dangereuse, c’est glissant mais sans plus, s’en suit un pif-paf gauche/droite que nous passons sans problème et il est suivi d’un gauche léger qui ouvre. Dès que je vois la route s’ouvrir devant moi, je n’accélère pas plus ni moins que d’habitude et là c’est la catastrophe ! Sans que je ne sente rien se passer, la voiture, comme poussée par l’arrière, poursuit sa trajectoire vers la gauche pour aller se planter dans le talus à gauche. Nous rebondissons et la voiture s’immobilise 20 mètres plus loin couchée sur la portière. Il est impossible de repartir, tout l’avant est détruit…”

Tour Auto 2019 – Jean-Pierre Lajournade (ES10)

AP : “Comment analyses tu la situation, à chaud et après coup ?”
JPL : “C’est un véritable cauchemar que nous vivons avec Christophe, qui ira se réfugier dans le haut du talus derrière un arbre. Moi, je fais les cent pas le long de la route en cherchant je ne sais quoi. Je crois être dans un autre monde. C’est un désastre pour toute l’équipe ! Tout s’écroule, nous avions (presque) le Tour Auto gagné ! Il suffisait de dérouler tranquillement sur la journée et demie qui restait… Le plus terrible et le plus difficile à accepter c’est que la sortie n’est pas due à un excès de pilotage dans un moment tendu comme un freinage ou un passage en courbe et donc sur le moment je ne m’explique pas ce qui a pu se passer. En allant vers le virage je constate que le sol est mouillé et très glissant sous les pieds, il fait 4 degrés, mais bon… les autres sont passés et pourquoi nous nous sommes sortis ? Le dépanneur, qui sort la voiture du talus, nous donnera une première explication, car en fait ce lieu est “le piège” de la course de côte du Mont Dore. A chaque fois qu’il y a une course sous la pluie ou sur route séchante, les concurrents sortent là… En fait la grande courbe gauche en plein vent donne une fausse idée de l’adhérence, le pilote se calque la dessus, il passe le pif-paf gauche/droite en faisant attention et dès que dans la gauche suivant il voit la route s’ouvrir, il accélère, sauf qu’à cet endroit, la route est entre deux rochers, abritée par des arbres au dessus et qu’il y a une toute petite bosse qui allège le train arrière à cet endroit. La conjugaison de l’humidité, du froid, de la bosse, associés à la largeur de mes pneus et à la puissance du moteur en accélération, font que la voiture se propulse en motriçant vers l’intérieur du virage sans qu’on ait le temps de faire quoi que ce soit, ni même de sentir la sortie arriver.”

Tour Auto 2019 – Jean-Pierre Lajournade

AP : “Sans reconnaissance préalable, tu n’es pas coupable ?”
JPL : “Le désarroi de l’équipe est total et le mien encore plus car je suis le responsable, même si je ne me sens pas coupable. La réalité est là, nous sommes sur le bord de la route avec l’auto sur la dépanneuse et que faire ? L’équipe d’assistance (Dominique, Jacky, Vincent), malgré la déception, loin de se laisser aller, décide d’attaquer le démontage de la voiture dès notre retour à Paris. Inutile de ruminer l’histoire et de se laisser envahir par la déception, bien que mon moral soit au plus bas. Maintenant on rentre dans la phase des travaux de réparations… ça aide un peu à oublier, du moins on essaye. Déjà les commandes de pièces sont parties en Angleterre, de longs mois sont devant nous. La voiture sera réparée, nous n’avons aucun impératif de temps, si ce n’est que nous avions prévu de faire une course à Charade avec Vincent fin Septembre avec les deux autos, Type E et l’Elan. La Lotus Elan (équipage Martinez père et fils) est très abîmée suite à une sortie de route lors de l’ES5. Bien qu’assurée, c’est une mauvaise chose car il va falloir la reconstruire.”

Tour Auto 2019 – Joris Clerc

AP : “Ta conclusion ?”
JPL : “Ce Tour Auto 2019 est l’édition de tous les extrêmes. Nous étions “les patrons” de l’épreuve. Au soir du troisième jour tous nous voyaient vainqueurs : concurrents, journalistes, photographes et il a suffi d’un “piège” pour tout gâcher et c’est à ma charge. Je dois remercier toute mon équipe : Dominique, Jacky, Vincent et Christophe, ils ont été très gentils avec moi et je me dois de leur demander pardon et de les remercier du plus profond de moi-même pour leur soutien.”

Crédit photos @ JPL, Jean-Marie Biadatti, Joris Clerc, Tour Auto

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