C’est par le biais d’une pub sur un journal local que j’ai entendu parler de cette expo “What’s the Super in Supercars ?” L’affiche montre une F40 rouge et une Enzo noire, en voilà assez pour me décider à aller trouver le musée Audrain au centre de Newport dans le Rhode Island. Le bâtiment en lui-même vaut le coup d’œil, construit en 1902 par un architecte New Yorkais mélangeant le style renaissance italien avec ses briques rouges et ses ornements inspirés de l’Hôpital des Innocents de Florence.
C’est en 2014 que le Building Audrain, du nom de celui qui l’a fait construire, devient le musée Audrain de l’automobile offrant un concept d’exposition thématique temporaire qui mélange automobile, art, vitesse et surtout passion. Celle qui vient de s’ouvrir s’appelle « What’s the Super in Supercars ? » cherche donc à mettre en avant l’extravagance, technique ou stylistique, de 18 voitures (enfin 17 et 1 moto) exposées dans ses lieux qui font des ces voitures, des supers voitures. On est parti pour la visite ?
Lamborghini Miura 1967
En entrant le regard est attrapé par cette merveille orange qui semble dire bonjour aux visiteurs, une Lamborghini Miura de 1967 !! Quoi de mieux que commencer par celle par qui tout a commencé ? Car oui en terme de supercar, on pourrait dire que la Miura est peut-être la première à mériter le nom. Quel choc au salon de Genève 1966 lorsque Ferruccio présente sa super voiture : imaginez une voiture de route avec un V12 monté derrière les passagers ! Dans une voiture de course, oui sans problème, l’ennemi Ferrari le fait avec sa 250 LM, mais dans une voiture de route, on frise la folie… N’empêche que si l’on regarde les Lambo’ d’aujourd’hui, le concept est toujours identique, et la concurrence (italienne notamment) ne va pas tarder à reconnaitre le coup de génie et faire de même pour les modèle de route. Une légende est née, et plutôt bien née sous le magnifique coup de crayon de Gandini tout jeune chez Bertone.
Attention la belle est en rodage !!
Quel intérieur, vous noterez la vue du rétro intérieur, plongeante sur les carbu Weber
Pas doute, ils sont bien derrière vous juste au-dessus du V12, sans doute à tenter de vous aspirer le cerveau à chaque pression de la pédale de droite…
Porsche 959 S 1988
On saute 20 ans plus tard, non pas qu’il n’y a pas eu de Supercar entre les 2, mais cette Porsche marque quant à elle une nouvelle ère, celle de la technologie !! La genèse de cette super 911 remonte à 1981, Porsche veut sa part de succès en rallye et l’ère des “Group B” pourrait en être la parfait vitrine. Mais lorsque la 959 voit le jour en 1986, le Group B est interdit pour les raisons que nous connaissons, Porsche continue la démarche et lance en production 345 exemplaires, pour la compétition elle ira voir du côté des Rallye Raid ou du Mans. Cette version routière fait alors l’effet d’une bombe avec ses 4 roues motrices, son double turbo (un gros et un petit pour plus de progressivité) ou encore sa suspension hydraulique ajustable. Celle que nous avons sous les yeux est encore un peu plus rare, plus qu’il s’agit d’une version S, avec des turbo un peu plus gros pour souffler 508 ch dans le Flat 6 de 2.8 litres, lui offrant à l’époque une Vmax de 339 km/h !!
Si l’extérieur peut laisser penser à une 911 banale pour le néophyte, c’est encore pire à l’intérieur ! Qui a dit que les ingénieurs allemands étaient trop sérieux ?
Ferrari F40 1991
Faut-il encore présenter la légende ? Sans doute pour les plus jeunes, mais pour ceux nés au siècle dernier je pense que c’est parfaitement inutile. Si comme moi elle a fièrement trainer sur les murs de votre chambre d’enfant, vous devez vous souvenir des 478 ch du V8 Biturbo de 2.9 litres. Elle aussi est arrivée sur nos routes grâce au Group B, évolution de la Ferrari 288 GTO, elle marque les esprits par son châssis renforcé par des panneaux Kevlar, du carbone, de la fibre, un intérieur ultra minimaliste, bref une voiture de course pour la route. La triste disparition d’Enzo en fera la dernière Ferrari qu’il aura validée, rajoutant encore un peu à la légende F40. On retrouve sur le beau parquet du Musée Audrain la couverture de Car magazine qui confrontait à la F40 rouge une 959 blanche.
Délicieuse version US avec quelques rajouts disgracieux pour satisfaire les normes locales
Pareil à l’intérieur, sont-ce des spécificités US ? Je ne reconnais pas les jolis baquets qui m’ont fait rêver dans ma jeunesse…
Ah quel cul !! Les rajouts sur les pare-chocs choquent moins qu’à l’avant et le 3ème feu stop est presque bien intégré. Il faut dire que nos yeux ont du mal à quitter cet aileron !
Vector W8 1992
En plein cœur de la bataille de supercar, principalement italo-allemande, Jerry Wiegert a voulu démontrer que les USA étaient tout aussi capables que la vieille Europe de faire une super voiture. Châssis alu, kevlar et carbone inspiré de l’aéronautique, design incroyable dicté par la performance, intérieur ultra moderne (pour l’époque) et puissance folle de 625 ch délivrée par un V8 6.0 litres bi-turbo, à la pression de 8 psi. Une molette à l’intérieur permet d’ajuster la pression, la légende dit qu’à 14 psi se sont 1200 ch qui sont produits !! Après un accouchement dans la douleur et des essais presses émaillés de problème de fiabilité (Car & Driver aurait eu 3 pannes en 3 essais), l’accueil est mitigés et seulement 17 exemplaires seront vendus avant la fin de l’aventure. Voilà donc une sorte de licorne automobile plutôt rare à approcher.
La visibilité arrière n’étaient semble-t-il pas dans les priorité, mais quel look…
Si maintenant ce sont les footballeurs qui se montrent au volant de supercars, à l’époque c’est Andre Agassi qui posait fièrement à côté de sa W8 noire
Des courbes, enfin plutôt des lignes, affutées quel que soit l’endroit où l’on regarde !
La taille et l’inclinaison du pare-brise impose un système à 3 essui-glace particulier, notez aussi la taille du tableau de bord
McLaren F1 1994
Après l’extravagance outrageante américaine, voici la perfection et l’élégance anglaise en la présence de Mme McLaren F1 ! Fini les turbos, retour à l’atmo avec un V12 BMW au cœur de cette anglaise présentée en 1992 comme la meilleure voiture de série jamais construite. Voiture de tous les superlatifs, et bien souvent mérités, elle reste l’œuvre d’un homme, Gordon Murray alors au sommet de son art avec 4 titres consécutifs de champion du monde des constructeurs en F1 entre 1988 et 1991. Tout est ultra technologique dans cette voiture, surtout ce qui ne se voit pas, à savoir ses dessous qui créent un effet de sol lui permettant de se passer de tout artifices aéro, au profit d’une ligne si pure…
Et puis autre caractéristiques de la voiture qui a marqué les esprits à sa sortie : la position de conduite ! La McLaren F1 est une 3 places, avec le conducteur (enfin pilote serait-on tenté de dire) au centre de la voiture pour faire corps avec elle. Conséquence logique, le besoin d’avoir 2 rétros intérieurs, soit pour voir ses passagères, soit pour essayer de surveiller les 2 angles morts…
Quelles courbes ! 106 voitures produites en tout, dont seulement 64 versions routières. Et combien dans ce beau Metallic Green ? Je ne sais pas mais cette lui couleur lui sied très bien mais si d’origine cet exemplaire était Genesis Dark Blue lorsqu’il a été commandé par son premier propriétaire, Thomas Bscher un banquier allemand qui prenait 300 km/h tous les jours avec sa McLaren sur le chemin du bureau entre Cologne et Francfort, voilà qui laisse rêveur…
Mercedes-Benz CLK GTR 1998
Si je vous dis qu’une ‘Benz CLK est présente dans cette expo, éloignez tout de suite l’image de ce coupé gris que vos voisins tout juste retraités s’étaient offert à la fin des années 90. Le coupé dont on parle a bien la même calandre, les mêmes 4 phares et feux arrière, oui il est gris aussi mais ça s’arrête à peu près là !! Le championnat FIA GT fait rage dans les années 90 quand 2 belles autos se font face, la Porsche GT1 et la McLaren F1. Mercedes un peu jaloux de les voir sous les feux de la rampe se lance dans la course, et pas qu’un peu puisque la CLK GTR va remporter 17 des 22 courses auxquelles elle participera en 1997 et 1998, remportant logiquement les 2 titres. Comme le demande l’homologation, 25 versions routières doivent être produites, Mercedes en fera généreusement 26 (dont 6 roadsters !!), en voici une !
Quel engin incroyable, on croirait vraiment une auto du Mans déshabillée de ses stickers et camouflées sous une couche de peinture grise. Mais le camouflage ne prend pas, les appendices aéro, la prise d’air sur le toit ou juste le gabarit de la voiture (4m85 de long, 1m95 de large pour 1m10 de haut) trahissent sa vocation première : la performance sur circuit.
Cet exemplaire est celui qui a illustré le superbe article d’Octane l’année dernière, qui avait réussi l’exploit de regrouper la holly trinity avec une McLaren F1, une Porsche GT1 et cette CLK GTR toutes 3 grises avec l’aide de DK Engineering en Angleterre qui mettait alors en vente la Mercedes. La voiture a ensuite rejoint la collection de Gioel Molinari, connu pour sa F40 verte notamment, qui a le bon gout de faire profiter de ses autos en les faisant rouler ou en les prêtant régulièrement. Merci, c’est fort appréciable de pouvoir détailler avec autant de loisir un auto si géniale…
La suite de l’expo dans un second article (lire ici), retrouvez toutes les infos sur le site du Musée Audrain.
Crédit photos @ Ambroise Brosselin.