Il faut toujours être gentil avec ses petits cousins. Parce qu’un jour il grandissent. Si vous avez été méchant, ils risquent de vous casser la gueule. Sinon, ils peuvent vous inviter à essayer une voiture de course sur un circuit de formule 1.
Bon, il faut aussi avoir un cousin qui partage votre passion pour la voiture. Avec qui vous avez vécu les premiers tours de roue en karting, les premières virées aux 24 Heures du Mans et plein d’autres choses partagées derrière un volant.
Mais en tout cas, c’est bien comme ça que je me suis retrouvé dernièrement sur le circuit de Barcelone F1 au volant d’une Alpine Europa Cup.
Alpine Europa Cup : Une expérience plus qu’un essai
Pour cet essai de l’Alpine Europa Cup, je dois aller un peu plus loin que juste détailler le ressenti que j’ai eu au volant.
D’une part car il s’agit d’une voiture de course. Même si je me targue de ne pas être un manche intersidéral, je ne suis pas capable d’aller chercher les limites d’un engin pareil en une seule journée de roulage.
D’autre part, parce que, au-delà des moments passés au volant, c’est toute l’expérience proposée par l’écurie Chazel Technologie Course qui mérite le détour.
La formule 1 déborde autour du circuit.
Arrivé la veille de la journée de roulage, je retrouve la bande de copain réunie par le cousin pour un dîner de mise en route au restaurant « El Trabuc ». On y mange bien, mais surtout on y passe beaucoup de temps dans le couloir menant aux toilettes qui rassemble les photos de tous les pilotes passés dans l’établissement. C’est souvent comme cela dans les bonnes adresses autour des circuits de F1. Et comme Barcelone est aussi et surtout un circuit d’essais, les pilotes et autres grands noms de la discipline reine ont leurs habitudes dans l’établissement.
Arrivée au circuit de Catalunya : les forces en présence
Les paddocks ne sont pas pleins, mais il y a quand même du monde qui se prépare au roulage. Et quel monde ! C’est une journée de roulage. Un trackday somme toutes. Mais contrairement à ceux auxquels je suis habitué, c’est aujourd’hui réservé aux voitures de course. Me voilà donc à arpenter la pitlane au milieu des autres participants.
Quelques Clio Cup, une poignée de Midget. Même s’il y a la voiture du Tone, je reste serein.
Tiens, de la GT4, Porsche Cayman, Toyota, McLaren, Ginetta, Aston Martin, BMW M4, ça devient plus sérieux…
Ah, de la GT3, Mercedes AMG, Lamborghini, 911, et même une KTM X-Bow GTX…on ne rigole plus là.
Il y a même un couple de prototypes LMP3 qui s’échauffent. Il va falloir regarder dans les rétros !
Mais ce qui me fait presque le plus peur, ce sont les deux anciennes qui n’ont pas l’air d’être des copies (ou alors des reconstructions trèèèès fidèles) : une Ford GT40 et une Porsche 935. Je me rappelle à cet instant que j’ai signé une décharge et qu’en cas d’accrochage, j’ai un gros chèque à sortir pour payer la franchise d’assurance. Gloups…
Chazel Technologie Course : professionnalisme et convivialité
Victoire nous accueille dans le box Chazel Technologie Course. Fille des fondateurs, elle assure la logistique de l’écurie sur les multiples évènements dans lesquels l’écurie est engagée. Rallye, sprint, endurance, Chazel est présent sur tous les fronts en France, mais aussi en Europe.
Aujourd’hui l’écurie à amené deux Alpine Europa Cup pour des séances de découverte, mais aussi la nouvelle BMW M4 GT4 qui intègre le cheptel principalement composé par ailleurs d’Alpine Europa Cup, GT4, R-GT et Renault Clio Rallye RC3.
Pour cette journée exceptionnelle (pour moi en tout cas), nous serons accompagnés de Jérôme, l’ingénieur et Benoit Rousset le coach.
Sans oublier les mécaniciens en charge de nous préparer les autos aux petits oignons.
Ce n’est pas la première fois que je vois l’écurie en action, ayant eu l’occasion de venir en spectateur sur quelques courses du championnat GT4 en 2023. Et je suis toujours sidéré de voir le calme qui règne dans une structure aussi importante. Chacun sait ce qu’il a à faire, quand il faut le faire et comment. A Magny-cours, avec 1 voiture engagée en GT4 et 6 (de mémoire) en Alpine Europa Cup, il n’y avait rien qui trainait, pas de précipitation, tout en place à chaque instant. Et dans cette ambiance pleine de sérénité, Chazel a réussi à ramener le titre et la seconde place en Europa Cup.
Je me sens rassuré par cet environnement. Je ne sais pas où je vais mettre les pieds (les roues plutôt), mais eux savent. Et c’est peut-être là l’essentiel.
Alpine Europa Cup : découverte de la bête.
La nouvelle Alpine A110 est une merveille. En version A110, A110 S, A110 GT (lire nos essais ici), elle a conquis le cœur de tous les essayeurs d’AutomotivPress.
Alors pas de raison que la Cup fasse exception, non ?
Mais revoyons un peu dans le détail ce qui différentie la version course de ses sœurs routières. Affichée à 125 000 € (hors taxes) prix catalogue, l’Europa Cup reste relativement proche des versions de route. Le moteur reste de série et développe 300 ch pour 320 Nm de couple. Il est cependant accouplé à une boite séquentielle spécifique. Côté châssis, en sus de l’arceau cage, les points d’ancrage de suspension sont modifiés, ce qui permet d’avoir une géométrie spécifique et de rabaisser la voiture de 40mm.
Amortisseurs spécifiques fournis par Öhlins, freins Brembo à étriers 6 pistons, pneus Michelins slick, l’Alpine Europa Cup est taillée pour la piste.
L’habitacle est bien entendu totalement dépouillé et seul le volant XAP inspiré du prototype A480 amène une touche de modernité dans ce qui pourrait être un intérieur de Berlinette (j’exagère un peu, d’accord).
Alors que les mécaniciens font chauffer les mécaniques, le doute n’est plus de mise : nous avons bien à faire à des voitures de courses avec un échappement bien plus vocal que celui des versions de route.
Session 1 : découverte en piste de l’Alpine Europa Cup
Nous sommes 3 à nous partager le volant de l’Alpine Europa Cup blanche immaculée (non ce n’est pas un gros mot). Je suis le veinard qui devra chauffer les pneus en ce début de journée. Benoît accepte gentiment de monter avec moi pour me donner quelques conseils.
Le démarrage de l’Alpine demande un minimum de savoir-faire : basculeur « ignition » baissé au tableau de bord, bouton start, le moteur s’ébroue. Il faut ensuite relever lentement le pied de l’embrayage bien ferme tout en maintenant le régime moteur au-dessus de 6000trs/min sous peine de caler. Je cale. Je recale. Il faut dire que c’est un peu contre nature de faire gueuler la mécanique comme un kéké au feu rouge de la zone industrielle des Mureaux.
J’arrive enfin à faire avancer l’Alpine Europa Cup et m’élancer sur la piste de Barcelone. Benoît me rappelle de faire attention : les pneus slicks sont froids et il s’agit de ne pas me mettre au tas au ralenti !
J’ai beau avoir enchaîné les tours sur Assetto Corsa depuis deux semaines, le circuit m’apparait sous un jour neuf. Le dénivelé, les points de freinage, braquage, corde ne sont pas exactement comme je les imaginais et il faut que je reprenne mes marques dans la vraie vie.
Un œil dans les rétros pour laisser passer les furieux en LMP3, je me retrouve derrière la 935. J’ai l’impression de commettre un crime de lèse-majesté si je la double. Mais de toute évidence son pilote est « à la cool » et il me faut résoudre à passer en faisant attention de ne rien toucher.
Les pneus chauffent, moi aussi certainement, mais c’est déjà l’heure de rentrer aux stands.
Je n’ai pas poussé les limites, ni de l’auto, ni du pilote, mais c’est déjà une expérience forte que je viens de vivre.
Le debrief de l’ingénieur.
Après le premier run d’Arthur, mon acolyte du jour au volant de l’Alpine, nous avons droit au debrief de Jérôme, l’ingénieur. Au programme : décryptage des data sur notre meilleur tour.
En ce qui me concerne, je retiens que j’arrive à bien gérer le freinage dégressif. Mais que j’y vais trop doucement sur la pédale : 40 bars alors que les meilleurs en course tutoient les 80 bars de pression sur les freins. Côté accélérateur par contre j’ai tout faux : reprise des gaz trop top, alors que je suis encore en phase de freinage, et passage des rapports trop tôt (avant 6 000 trs/min quand il faudrait plutôt passer la vitesse supérieure vers 6 500 trs/min).
Le message est clair : « tape dedans ! » (je vous laisse, amis poètes, finir la phrase). Et le verdict sans appel : 2’13’’. 9 secondes plus lent qu’Arthur. L’égo en prend un coup. A quoi bon les heures sur simulateur pour être autant à la ramasse ?
Alors oui je suis là pour découvrir, mais j’ai une réputation moi ! Faut pas pousser pépère dans les orties !
Session 2 : l’église, le milieu du village, faut viser maintenant !
Me revoilà au volant. Cette fois-ci, Benoît n’est pas là pour me prodiguer ses conseils. Il va falloir que je me débrouille avec ce qu’il m’a dit en sortant de la première session et avec les retours de Jérôme.
Déjà, les pneus sont en température. Je m’élance (après n’avoir calé qu’une fois) donc plus confiant. Tour de chauffe (du pilote) et c’est parti.
J’attends bien que les diodes s’allument en rouge pour passer les rapports dans la ligne droite.
Freinage avant le repère 150m en bout de ligne droite. Je garde bien les freins longtemps dans le droite n°1. Reprise des gaz dans le gauche n°2, l’Alpine Europa Cup se dérobe mais un rapide contre-braquage à la remet en ligne. Droite n°3, je passe la 4, lever de pied en entrée et j’enroule à l’accélérateur. Tranquille.
Droite n°4, freinage avant la passerelle, les freins jusqu’au sifflet orange et gaz. Un peu de survirage encore, mais l’Alpine prévient bien. Je laisse la pédale de droite bien au fond. Épingle à gauche (n°5), passage de la seconde, frein tard et on s’extrait en force. Gauche-droite pour les virages 7 et 8, je suis prudent sur cet enchaînement technique mais pas mécontent de moi. Léger lever de pied dans le droite rapide n°9 et c’est à fond jusqu’au n°10 serré à gauche. Encore loin sur les freins, pour ré-accélérer jusqu’au 12 à droite. Lever de pied, on braque à la fin du vibreur pour le 13, puis enfin le 14, encore à droite pour amorcer la ligne droite.
Je suis bien plus en confiance que lors du premier run. Habitué au rythme des autres voitures, j’arrive à trouver quelques tours relativement clairs pour pousser un peu l’Alpine. Elle me rappelle furieusement mon Élise dans son équilibre. Légèrement sur-vireuse mais jamais piégeuse, c’est un régal de jouer avec son équilibre.
C’est le sourire aux lèvres que je rentre aux stands. Le chrono au centre du tableau de bord indique 1’59’’9. 13 secondes de gagnées, je suis plutôt satisfait.
Le debrief du coach
Jérôme nous avait donner un avant-goût de la gestion des data, c’est au tour de Benoît de nous montrer la bonne utilisation de la vidéo embarquée. Dire que j’utilise ma Go-Pro pour faire de jolis montages avec de la musique…
Avance, pause, explications. Benoît nous refait vivre nos tours respectifs avec Arthur virage par virage. Mieux même : phase par phase.
Freinage : « là tu peux freiner un peu plus tard, regarde, t’es juste à 45 bars, tu peux facilement gagner 5 mètres ». Fichtre, j’avais pourtant l’impression de péter la pédale à chaque gros freinage. Mais non, je ne sais toujours pas freiner.
« Là tu es mal placé : à l’amorce du freinage, ton museau pointe à droite pour un virage à gauche. Il faut que tu tires plus sur ton volant en sortie de virage précédent pour mieux te placer pour le prochain. Tu gagneras en stabilité et efficacité. » Mais bon sang, bien sûr ! Pourquoi j’y ai pas pensé tout seul !
J’étais content de mon chrono, mais Benoît me faire redescendre sur terre : il y a au moins les deux tiers des virages où je suis mauvais. Et je le soupçonne d’avoir été gentil pour pas me pourrir sur le tiers restant.
De mon côté je bois du petit lait. Avoir à sa disposition toute la puissance de Chazel Technologie Course avec les acquisitions de données, la vidéo et les conseils de pros, c’est un kiff absolu. Loin de me démoraliser, le coaching de Benoît me donne les pistes d’amélioration dont je rêve. Vivement la prochaine session !
Session 3 : mise en pratique
La pause déjeuner a été l’occasion d’échanger avec les autres pilotes. Alors ton chrono ? Et tes impressions ? Je partage avec mon cousin les faiblesses de mon pilotage telles que remontées par Benoit. « Ah, ben on n’est pas cousins pour rien. J’ai les mêmes défauts que toi ! ». Me voilà rassuré.
C’est le moment de reprendre la piste avec en tête tous les conseils du coach.
Les mécaniciens ont « assagi » l’Alpine en rabaissant le train arrière. Les vidéos ont convaincu Benoît qu’elle était un peu trop survireuse. Moi j’aimais bien pourtant.
Bout de ligne droite, repère 150m, je retarde un peu la prise des freins…Et me vautre complètement dans à 3m de la corde pour le premier droit. Merde. Raté.
Bon, restent 12 virages à travailler malgré tout. Je « tire » bien sur mon volant, je me positionne mieux à l’entrée des virages 5 et 7, je garde plus de vitesse dans les 9, 13 et 14, freine plus fort dans le 10.
Ah, c’est mieux, si seulement je n’avais pas loupé mon premier freinage. Il faut faire mieux au second tour.
Mais rebelote : freinage trop tardif ou dégressif trop rapide ? Je loupe encore mon premier virage.
Et je referais ça quasiment à tous les tours durant la session.
Résultat : 2’00’’1. C’est pas mal dans l’absolu, mais je suis super frustré de n’avoir pas amélioré mon temps alors que j’ai le sentiment d’avoir été bien plus rapide.
Session 4 : trop tard.
Je suis concentré comme Flash McQueen dans sa remorque au moment de prendre une dernière fois la piste. « Rapide…Je suis rapide. ». Il me fait améliorer la marque. Pour le principe. Rien à gagner si ce n’est une satisfaction personnelle. Mais le momentum est passé. La piste est de plus en plus poussiéreuse, les pneus bien usés par une journée de roulage sans discontinuer. Je n’arriverai pas à améliorer mon temps, restant aux alentours des 2 minutes 00.
Mais l’essentiel, c’est que la voiture est entière en fin de journée, que les pilotes sont tous ravis et que l’Alpine Europa Cup se montre digne de ses sœurs routières. Saine, amusante, performante, il s’agit sans aucun doute d’une excellente voiture de course. Le succès de la formule doit autant aux belles bagarres dans les pelotons qu’au plaisir simple de piloter cette auto sensationnelle.
Bonus de fin de journée : baptême en BMW M4 GT4
Tandis que je découvrais l’Alpine Europa Cup, le cousin découvrait de son côté la BMW M4. Et alors que la journée était finie pour moi au volant, il me faisait l’honneur de me prendre en passager dans mon nouveau monstre.
Monstre ? Le terme n’est pas usurpé quand on sort de l’Alpine. Si la Dieppoise est toute en finesse, la Bavaroise fait dans la grosse artillerie. 450 ch, 1600 kg, les sensations sont à l’opposé. La voiture accélère plus fort, freine plus fort, passe plus vite en courbe, mais elle n’a pas la même agilité que l’Alpine. C’est à priori un atout en course car elle avale mieux les vibreurs et demande bien moins d’efforts que la petite française.
Ce qui me rassure, c’est que le cousin a, malgré son expérience, encore du mal à trouver le point de freinage en bout de ligne droite.
Ce doit être génétique….
Conclusion
Comment ne pas ressortir ébloui par une telle journée.
Un circuit magnifique, une organisation au top, une écurie pro jusqu’au bout des doigts pour permettre à des débutants de vivre un fantasme absolu et une voiture à la fois exigeante mais accessible.
La compétition reste une activité extrêmement chère, mais l’Alpine Europa Cup est certainement une excellente façon de se faire plaisir avec une auto aussi amusante à piloter que jolie à regarder. Et lorsque c’est une écurie de la qualité de Chazel Technologie Course qui assure la préparation, l’assistance et le soutien en course, l’expérience ne peut qu’être sublime.