Alors que Philippe essayait la petite dernière de la lignée, même si petite n’est pas vraiment le meilleur qualificatif pour cette nouvelle Mini Cooper JCW, de mon côté j’opte pour un retour aux sources par la découverte d’une Austin Mini du début des 90’s avec cette After Eight de 1991.
Retour aux sources le mot est bien grand puisque la puce anglaise est sortie en 1959, c’est donc un modèle conçu 32 ans auparavant que nous avons sous les yeux, assez proche des premiers modèles sortis des chaines de Longbridge dans la banlieue de Birmingham. Découverte pas vraiment non plus puisque la Mini ne m’est pas complètement étrangère : mon père les vendait neuves à la fin des 60’s, j’ai eu ma première à la fin des 90’s après un été à monter des pneus chez Norauto puis quelques autres ensuite. Mais voilà presque 3 ans que je n’ai pas pris le volant d’une Mini, et encore plus d’une 1000 toute d’origine. Je vais donc essayer de me faire le plus objectif possible avant de vous dire que c’est un engin absolument génial 🙂
Si révolutionnaire ?
Produite entre 1959 et 2000, on peut dire que la Mini a eu une carrière commerciale incroyablement longue, avec bien sûr des hauts et quelques bas, mais sans jamais véritable révolution dans le concept de base, uniquement quelques améliorations ou corrections au fil du temps. Pour avoir brillé aussi longtemps, il fallait bien un produit innovant, et c’est là tout le génie de Sir Alec Issigonis, le créateur de la Mini. Prenez 3m05, mettez-y 4 places, un petit coffre, des rangements astucieux un peu partout à l’intérieur, une traction avant plus polyvalente et rassurante que les propulsions de l’époque le tout sous une ligne mignonne, voilà la recette de ce succès pour vendre 5.3 millions d’exemplaires en un peu plus de 40 ans ! Facile, non ?
Avec le recul l’idée semble tellement évidente, mais remise dans son contexte de la fin des 50’s, elle est vraiment la clé de la réussite de la Mini : mettre à profit le volume de la voiture pour les occupants tout en minimisant le volume extérieur. Ainsi les petites roues de 10’’ (sur les premiers modèles, 12 ensuite comme ici) sont rejetées aux 4 coins, tandis que le moteur est implanté en position transversale avant, par-dessus la boite de vitesse offrant ainsi un encombrement imbattable ! La crise pétrolière de Suez en 1956 a également contribué à faire germer cette idée au sein de la direction de la Bristish Motor Corporation. L’ère des grosses voitures consommant à outrance était bel était bien révolue…
La chasse à l’encombrement va plus loin que la simple implantation mécanique. Quand je dis simple, ce fut une véritable révélation (révolution ?) pour bon nombre de constructeurs, puisque cette implantation transversale par la boite est devenue le standard de toutes les citadines conçues après la Mini. La suspension a elle aussi fait l’objet d’un travail particulier avec l’adoption de cônes caoutchouc Moulton en lieu et place des ressorts traditionnels. Si l’encombrement et la tenue de route y gagnent, le confort pas forcément, mais nous reviendrons sur ce point plus tard. Anecdotique mais illustrant bien le soucis du détails, pour ménager plus d’espace à l’intérieur les charnières de porte et de coffre sont montés à l’extérieur de la carrosserie, la batterie est rejetés au fond du coffre sous le plancher, bref malgré le court de délai de développement, la Mini est un festival d’astuces et de trouvailles techniques !
Un look séducteur assez intemporel
Avec toutes ces contraintes techniques BMC aurait pu accoucher d’un design de Fiat Multipla (celui de 1998, pas le mignon des 60’s), avouons que la ligne de la Mini est plutôt réussie : même à l’approche de la soixantaine elle reste tout à fait agréable à regarder. Peut-être que la version moderne de BMW a aidé la ligne originale à bien vieillir, mais ces rondeurs caractéristiques restent appréciées de tous. Il n’y a qu’à faire un tour à son volant en ville pour constater les regards amusés et les sourires des piétons voyant la petite anglaise passer : jeune, vieux, homme ou femme, peu restent insensibles !
Les touches de chrome, que ce soit les pare-chocs, les tours de phares chromés ou encore les poignées de portes, donnent un petit côté chic et soigné à l’ensemble, ce qui s’accorde assez bien avec le vert British Racing Green de notre After Eight. Cette série spéciale n’a finalement pas grand-chose de spécial, elle tentait en 1991 de maintenir un intérêt commercial avec une config’ un peu plus aguicheuse que la version de base, triste et basique. Il faut avouer que cette période fin 80’s début 90’s fut vraiment le creux de la vague pour la Mini, échec de la version Clubman avec son avant carré, la Métro qui devait remplacer la Mini peine à s’imposer, c’est en réaffirmant son origine britannique que les séries spéciales s’illustrent : Chelsea, Picadilly, Park Lane, ou encore British Open en sont quelques exemples.
Revenons au look de notre boite à roue ! C’est de profil que le respect du cahier des charges est le plus flagrant : les petites roues de 12’’ sont repoussées aux 4 coins hébergées sous des petits élargisseurs d’ailes en plastique, le capot semble définitivement trop court pour abriter une quelconque motorisation mais étonnamment on devine un espace intérieur « raisonnable ». De face les phares ronds, sa calandre et la nervure centrale du capot signent son sourire inimitable et reconnaissable entre mille… Je ne sais pas vous, mais moi je suis sous charme.
Un intérieur spacieux, si si c’est vrai !
Allez ouvrons la porte pour s’installer à bord : hey mais y’a vachement d’espace en fait !! Et oui c’est bien là la grande surprise, il y a de la place dans la Mini. Bon en fait la deuxième surprise, la première c’est le bruit métallique qui résonne quand on claque la porte. Évidement si vous faites plus de 2m vous vous sentirez à l’étroit, mais mes 175 cm se logent sans peine derrière le volant, il reste même de la place avant de toucher le plafond. Le plus perturbant une fois assis se trouve dans l’alignement de la position de conduite. Face au centre du siège, ou presque, se trouve la pédale d’embrayage, oui oui celle habituellement tout à gauche. N’allez pas croire que nos voisins britanniques, non contents de rouler de l’autre côté de la route (n’ouvrons pas le débat pour savoir s’il s’agit du bon ou mauvais côté), ont en plus jugé plus rigolo d’inverser le sens traditionnel des pédales. Non c’est simplement le passage de la roue avant gauche qui empiète un peu sur l’habitacle, et oui l’empattement est court, et le pédalier se retrouve de fait décalé vers le centre de l’habitacle. Idem pour la colonne de direction qui est plantée vers la droite, une fois le volant en main il est étonnamment incliné…
C’est aussi dans ces moments-là que l’on peut constater que l’ergonomie est un mot qui est arrivé plus tard dans l’industrie automobile, difficile de concilier taille réduite et aménagement intérieur. Pour finir avec la position de conduite, les genoux très fléchis de chaque côté du volant font immanquablement penser à l’installation dans un karting, sensation que l’on va retrouver dès le premier virage 🙂 Coté équipements, comment dire… Un compteur de vitesse, une gauge à essence, la température d’eau et c’est tout ! Bon avons-nous besoin de plus en même temps ? Au moins le conducteur ne sera pas distrait par les informations mises à sa disposition. La partie centrale du tableau de bord regroupe quelques interrupteurs et commandes, parmi lesquelles les phares, le dégivrage AR ou encore les commandes du sèche-cheveux, pardon chauffage !
Plus on détaille cet intérieur, plus on peut comprendre les difficultés à vendre cette auto en 1991 près de 50.000 francs alors que l’offre de la concurrence s’était modernisée et enrichie… On note tout de même la multitude de rangements, les bacs dans les portières, cette grande étagère sous la baie de pare-brise, des vide-poches conséquent de chaque côté de la banquette arrière ou même sous l’assise arrière, on peut vraiment glisser du bazar partout ! D’un côté tant mieux car en ouvrant le coffre, on constate qu’un passage au supermarché ou pire un départ en vacances pourra vite mettre à contribution vos talents cachés en Tétris 🙂
Mi karting – mi essoreuse
On met le contact, on tire le starter et hop le démarreur lance la machine. Le bruit si caractéristique de la Mini (enfin celle qui a encore une ligne d’échappement d’origine) fait remonter de nombreux souvenirs dans ma mémoire et donne envie d’aller rouler. Le levier de vitesse a beau être long, il faut aller le chercher pour passer la 1ère loin devant, tiens j’avais oublié ces loooongs débattements de la commande de boite, un peu mal habitué par celui si court de la MX-5 Mk1 qui me sert de daily. C’est parti pour une petite balade : j’avais également oublié à quel point la suspension faisait rebondir la voiture sur un revêtement urbain en mauvais état. Heureusement l’assise du siège compense grandement ces sursauts pour offrir un confort secoué certes mais pas sec pour autant. Bon en y repensant l’emploi du terme « confort » est peut-être un peu exagéré…
La direction légère à l’arrêt ou en manœuvre, merci les pneus en 145 de large, devient parfaite en mouvement en se montrant à la fois précise et communicative, placer le train avant de la Mini est vraiment facile. Une fois placé, on relance, et c’est à ce moment-là que je constate que j’ai à faire sous la pédale de droite à un vaillant et vénérable 998 cm3 délivrant la puissance folle de 42 cv et 7 mkg de couple ! Dommage la rigidité du châssis, son encombrement ramassé autour de son empattement réduit et ses voies larges lui donne un grip vraiment important, on retrouve le comportement de karting ressenti dans la position de conduite. Ce n’est pas non plus par hasard que les Mini étaient si à l’aise en compétition à l’époque (inutile de reparler du Monte Carlo) ou même qu’elle le soient toujours autant en historique en chatouillant des autos bien plus puissantes, je vous laisse reconsulter les articles de Silverstone Classic ou Goodwood Revival par exemple 🙂
Malgré tout n’allez pas croire pour autant que ce 1000 n’a rien dans le sac et qu’il faut absolument trouver une 1300, plus rare et forcément plus chère, pour profiter des joies de la Mini. Il se montre très volontaire et fera bien plus que simplement vous déplacer mollement. Évidement si vous avez gouté et abusé d’un 1275 cm3 un peu affuté il vous en manquera sous la pédale, mais une fois de plus tout dépend de l’usage que vous voudrez faire de votre auto. Dans le cas de cet essai, un peu de ville puis un peu de route calme et sinueuse je suis ravi du comportement de la petite anglaise.
Le confort semble s’améliorer avec la vitesse, la voiture saute moins même si au bout de quelques dizaines de km on se surprend à essayer d’éviter les mégots de cigarettes écrasés pour ne pas être secoué. Le maniement de la boite se fait bien, il suffit de penser à aller chercher loin là-bas la 3 et d’anticiper les changements de relief pour ne pas perdre son élan. Les freins sont rassurants, et oui il faut malgré tout parfois freiner, suffisamment puissants pour arrêter les 620 kg.
La surface vitrée important permet de profiter du paysage et de ne pas se sentir enfermé, mais les autres usagers de la route semblent alors encore plus imposants. Oup’s un camion de livraison me dépasse ? Ah non ce n’est qu’un BMW X5, gros quand même vu depuis là… Ne parlons pas d’airbag (apparu sur les toutes dernières version), d’ABS, ESP ou autre sécurité passive, la Mini date bien de 1959 de ce côté-là. Et quand on parlait de sécurité à Sir Alec Issigonis sa réponse était simple : « La voiture a de tellement bons freins et une tellement bonne direction que si les gens ont un accident, ce sera de leur faute uniquement ! Je ne conçois pas mes voitures pour avoir des accidents. » Même en étant un vieux râleur, il faut reconnaitre que parfois le progrès a du bon ! Le sentiment d’insécurité de ne règne pourtant pas à bord, contrairement à une Caterham par exemple, ouverte à tous vents et encore plus basse, l’impression d’être dans une vraie (petite) voiture est présent.
Maxi envie ?
Si comme moi après ce petit essai l’envie de (re)prolonger l’expérience Mini vous titille, sachez que le principal ennemi de l’anglaise est celui commun à toutes ses congénères : la rouille ! La qualité des tôles, de leur protection et la vie parfois rude que peut avoir une Mini fera qu’un jour ou l’autre la rouille finira par l’attaquer. C’est donc de loin le premier point à surveiller. Fuyez les voitures repeintes à la va-vite pour cacher des dessous peu reluisants, la rouille aura vite fait de ressortir, inspectez en premier lieu les bas de portes et de caisse, les planchers, le bac à batterie et le fond de coffre, la baie de pare-brise et la face avant avec les jonctions de tôles sous les phares. Oui finalement il n’y a guère que le toit qui ne rouille pas… sauf sur les versions 70’s recouvertes de skaï.
Ensuite coté mécanique toutes les pièces sont disponibles auprès des échoppes spécialisées, en France ou en Angleterre, il faudra tout de même se méfier parfois de refabrication low cost. La réputation de mauvaise fiabilité des Mini n’est plus justifiée, aujourd’hui une auto bien entretenue ira loin sans soucis. Le synchro de 2 est le premier à donner des signes de faiblesse dans la boite, sur la moteur rien de bien particulier : tant qu’il perd de l’huile c’est qu’il en reste dedans 🙂
Le prix commence donc assez bas avec des autos rouillées et fatiguées, un exemplaire roulant présentant pas trop mal se trouve à partir de 3.000 € tandis qu’une plus rare Cooper de 90’s se trouvera facilement au double du prix. La cote des Mini anciennes (mk1 et mk2), encore plus des vraies Cooper ou Cooper S, n’en finit plus de grimper tandis que les derniers modèles en 13’’ avec l’injection multipoint tournent autour des 10.000 €, c’est une question de gout, d’esthétique et de budget. Ne vous jetez pas sur la première venue, prenez le temps d’en voir plusieurs avant de transformer un coup de cœur hâtif en cauchemar, et ensuite profitez de la vie en Mini. La communauté avec les nombreux Clubs est très active, aussi bien en France qu’à l’étranger et votre Mini vous ouvrira les portes de la collection, manifestation, rallye ou expo, vous pourrez goûter à tout…
Crédit photos @ Ambroise Brosselin