Elles ne sont pas si courantes que cela les icônes automobiles. Et lorsqu’elles viennent de l’autre côté de l’océan, leur commercialisation sur notre territoire est aussi rare que lady Gaga habillée sobrement. C’est pourquoi, quel que soit l’avis que je pourrais rendre de cette Mustang, la voir vendue par le concessionnaire du coin ne pourra qu’être une bonne nouvelle.
Quand j’ai demandé à essayer la Mustang à la charmante Charlotte, j’ai hésité longtemps : 4 cylindre EcoBoost ou V8 qui tâche ? Non, je rigole. Quitte à mettre pour la première fois de ma vie les fesses dans la ‘Stang, le V8 s’imposait. En cabriolet ? Encore mieux ! Quitte à se taper un mythe, autant le faire en grand.
Et pourtant… Je dois bien avouer que je n’étais pas convaincu par le style du Poney dans sa dernière mouture. Si poupe et proue sont bien dans la lignée familiale, le profil me paraissait trop européanisé. Mi-BMW série 6, Mi Jaguar/Aston, il y a certes des références plus honteuses, mais quand on a su forger sa propre personnalité de mauvaise fille, c’est dommage de se maquiller comme la chef des pom-pom girls.
De plus elle semble avoir grandit et cela me rappelle les versions des années ’70 qui avaient perdu l’aspect ramassé de la Mustang originale. Bref je ne pars pas conquis.
Mais là, dans la pénombre du parking chez Ford France, la bête en impose. Le museau est viril, reconnaissable entre tous et la lame rajoute une touche de modernisme et de sportivité bienvenue. Je m’attarde encore sur ce profil qui me gêne tant. En situation le long capot réussit tout de même à lui conférer sa propre personnalité. Tandis que l’aile arrière est allégée par une rainure relativement profonde (à vrai dire à plusieurs reprises en revenant vers l’auto j’ai eu l’impression qu’elle avait été enfoncée ou rayée).
Le dessin des feux arrière est bien plus complexe qu’il n’apparaît à première vue et me donne un premier aperçu de l’un des points forts de la Ford : le sens du détail.
Avant de passer à l’habitacle, un petit tour par le coffre. La version convertible (ça veut dire cabriolet en américain et ça fait quand même plus classe) garde un aspect pratique avec un volume finalement assez grand et surtout qui n’est pas réduit lorsque la capote est repliée. Mais le plus important ce sont les deux vérins siglés FoMoCo (Ford Motor Company). C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça a autant de puissance que le sigle ACME sur la caisse d’explosif de Vil Coyote ! Premier détail qui tue.
Le second n’est pas loin : la législation américaine est aussi rigide que poilante parfois. Du coup on retrouve dans le coffre la tirette désormais obligatoire pour vous permettre de sortir du coffre si un méchant vous y enferme… Non mais vous imaginez, s’ils avaient inventé ça en novembre 1955, le guitariste ne se serait jamais blessé à la main et Marty n’aurait pas pu jouer au bal de fin d’année. Nom de Zeus !
Mais trêve de bavardages, passons maintenant à l’autre extrémité de la pénich…voiture. Sous le long capot que ne renierait pas le loup de Tex Avery, se cache le gros V8 5.0L tant attendu. 421 ch et 530 Nm, ça donne envie. Malheureusement le cœur de l’auto est caché par du plastique. Du joli plastique, qui imite les formes naturelles d’un moteur de cette trempe… Mais du plastique quand même.
Bon, pas grave, c’est au volant que l’on profitera donc le mieux de ce moteur.
Avant de vous installer, il faut absolument commencer par déverrouiller la voiture de nuit. Non, pas seulement pour réveiller les voisins au moment de démarrer, mais plutôt pour profiter du détail qui tue numéro 3 : le petit Mustang rétro-éclairé qui apparaît alors sur le sol. Quand je vous disais qu’elle soignait le détail cette Ford !
On se réjouit du petit cheval sur le sol, on ouvre la portière et on agrandit encore le sourire avec le seuil de porte rétro-éclairé avec l’inscription « MUSTANG ». On est dans quoi comme modèle déjà ?
La position de conduite se trouve facilement, les sièges étant plutôt confortables et l’agencement de la voiture plutôt ergonomique. Les matériaux utilisés ne sont pas tous d’une grande noblesse (beaucoup de plastiques durs), mais le style général est plutôt réussi avec les mélanges de matières, l’infotainment embarqué et les commodos bien mis en valeur.
Une fois installé, encore un cheval au galop sur le volant. Il est bien d’ailleurs ce volant, bonne taille, réglable en hauteur et profondeur, agréable à prendre en main. Je règle mon siège et hop, on démarre. Le V8 ronronne sans excès, s’en est presque dommage. On sent bien qu’il a les poumons bien dégagés, mais il fait plutôt dans la finesse. La voiture prêtée est équipée d’une boite manuelle. Connaissant le penchant des américains pour les boites automatiques je craignais le pire mais c’est finalement une très bonne surprise qui m’attend. Tant dans son débattement que dans son guidage, le levier s’avère un véritable plaisir à manier. Presque comme dans une… MX-5. Je démarre donc lentement, plus impressionné par la taille du capot que par la brutalité du moteur. Non mais c’est pas possible un capot aussi long ! je suis sur le périphérique parisien rétroviseur au niveau de la porte Maillot que le museau est déjà porte de Saint Ouen ! Comment je vais faire mon essai avec un truc pareil !
Il me faut plusieurs kilomètres pour prendre la mesure de la taille de la Mustang. Paradoxalement c’est lors des marches arrière que c’est le plus facile, grâce à la caméra de recul qui donner une bonne indication de la distance par rapport aux obstacles.
Plusieurs kilomètres peut-être, il n’empêche qu’à la première occasion je titille l’accélérateur pour voir s’il y a du répondant. Et je ne suis pas déçu : la cavalerie n’a jamais aussi bien porté son nom et les Poneys déboulent avec fracas, faisant se cabrer la voiture et remplissant l’air d’un grondement sourd. Toujours pas de hurlements mécaniques malgré une franche accélération, tout juste le souffle puissant d’une vague qui se brise sur la plage.
La confiance venant je tente les réglages les plus sportifs, sélectionnés via les interrupteurs très aéronautiques au centre de la planche de bord : direction sport et réglage course, avec ESP déconnecté, on va tenter un petit rodéo.
Démarrage au feu, avec un soupçon de douceur, j’arrive à partir sans faire cirer les pneus, preuve que la motricité de base n’est pas ridicule. Encore un cabrage à chaque passage de rapport, mais tout s’enchaîne avec aisance et sans frayeurs. J’arrive dans un de mes virages juge de paix : un double droite en descente. La Mustang fait bien ressentir son poids au freinage, mais là encore rien de scabreux. Le premier droite est avalé en toute sérénité malgré la vitesse assez élevée. Un coup d’accélérateur, puis à nouveau les freins, le second est déroulé lui aussi avec aisance. Certes tout s’est passé un peu moins vite que dans une GTi du fait des près de 2 tonnes à déplacer, mais le faible déficit de vitesse en courbe est vite rattrapé dans la ligne droite qui suit. Nouveau freinage, pas trop tardif car décidément, même s’ils ne présentent pas de lacunes, je garde une certaine réserve sur les capacités des étriers Brembo à arrêter la Ford lancée à vive allure.
J’enchaine avec un tour quasi-complet du petit rond-point suivant. Un peut étroit pour tenter un drift, d’autant que outre les trottoirs rapprochés et que je ne maîtrise pas assez l’auto pour savoir instinctivement à quel angle la pédale d’accélérateur fera passer la Mustang du sous au sur-virage. Ne cassons pas la belle !
La conclusion du quart d’heure colonial ? C’est que la Mustang 2015 tient un vrai châssis. Même en version convertible à priori moins rigide. Sur une départementale assez large elle saura vous accompagner dans des moments de conduite sportive sains, rapides et amusants.
Reste qu’en forçant un peu, il sera toujours possible (et facile) de faire dans le spectacle à moindres frais. Un départ de feu vert ou un virage serré pied au plancher et vous voilà partis dans un burn ou un drift super amusant sans dépasser le 50km/h. C’est peut-être puéril, mais c’est celui qui dit qui y est !
Le bilan sportif est donc positif : performante, saine (j’aurais fait la majorité de l’essai en mode course sans jamais me faire peur), amusante, la Mustang V8 est donc aussi bonne qu’elle est belle.
Reste le bilan « vie quotidienne » à passer à la casserole. Côté habitabilité, pas de soucis. Deux adultes et deux enfants ça tient. Quatre adultes aussi, même si à l’arrière cela commencera à être un peu étroit. Côté confort, c’est très bien aussi. L’amortissement réussit à la fois à bien contenir les mouvements de caisse et à rester assez souple pour ne pas semer les vertèbres des occupants à chaque nid de poule. Puis c’est amusant de voir le museau se lever à chaque accélération.
L’équipement ne souffre pas non plus la critique. Bluetooth, GPS, radar et caméra de recul, capote électrique, régulateur de vitesse… Il ne manque peut-être que deux choses : un radar « d’avance » car le capot est tellement long qu’il est difficile de savoir quand on va frotter le mur en se garant en avant et un chauffage un peu plus puissant. Sur ce dernier point je sais que je suis un extrémiste du top-down (363 jours décapoté en 2006 avec ma MX-5), mais il est dommage de ne pas profiter du moindre rayon de soleil, même en hiver, vous ne trouvez pas ?
En conclusion, il apparaît que la Mustang V8 n’a que des qualités : on pourrait la trouver typique à défaut de belle, mais en fait, belle, elle l’est aussi. Confortable et pratique, elle sait aussi être performante et sportive. Charmeuse par son design et le glouglou de son moteur, elle en rajoute une couche sur des détails décalés et amusants. De plus elle attire globalement la sympathie et la curiosité.
Enfin, elle enfonce le clou avec son tarif concurrentiel (à partir de 40 000 € en coupé fastback, 49 000 € dans la version essayée) malgré un malus écologique gargantuesque. Pour autant de puissance et un look aussi personnel, il faut facilement rajouter 20 000 € chez les allemandes ou les anglaises (hors options).
Je vous ai fourvoyé en début d’article en vous faisant penser que la Mustang n’était bonne à rien ? C’était pour garder un peu de suspens, car à dire vrai il s’agit d’une superbe réussite. On est bien loin de la philosophie « Light Is Right » que j’affectionne habituellement, mais Ford a réussi à rajeunir son modèle légendaire en conservant ce qui fait son charme (design, robustesse) et en y ajoutant qualité de conception et efficacité sportive à un tarif attractif. Pas étonnant que l’auto se vende comme du pop-corn au cinéma. Si ce n’était pas une Mustang, elle resterait une excellente auto. Et en plus, c’est une Mustang !