Michel Vaillant est bien plus qu’un personnage de bande dessinée : il est l’archétype du pilote de course, une icône de papier qui a fait vrombir l’imaginaire de générations entières. Mais connaît-on vraiment les œuvres qui ont forgé la légende ? Ce précieux recueil, « Michel avant Vaillant, histoires courtes (1954-1964) », dévoile les débuts de Jean Graton, invitant à le découvrir à l’œuvre, bien avant que son héros ne prenne la piste.
Jean Graton, maître du sport automobile bien avant son héros iconique
L’ouvrage « Michel avant Vaillant, histoires courtes (1954-1964) » se présente comme un florilège d’histoires courtes créées par Jean Graton, initialement publiées dans les pages du journal « Tintin » (1946-1988), durant les années 50 et 60. Bien plus qu’une simple compilation, c’est une véritable redécouverte d’une époque fondatrice dans la carrière de l’auteur.
Dès 1949, Jean Graton collabore au journal « Les Sports », tout en suivant les cours du soir de publicité. Entre 1952 et 1954, il collabore aux « Histoires de l’Oncle Paul » (créées en 1951 par le scénariste belge Jean-Michel Charlier) dans le magazine « Spirou ».
En 1953, il publie ensuite sa première histoire brève, « La Première Ronde » dans le journal « Tintin ». Il réalise également toute une série de récits complets se déroulant dans le milieu sportif et dont quelques-uns seront même repris dans l’ouvrage intitulé « Ça, c’est du sport ! » paru au Lombard en 1957. Parallèlement, il lui arrive de collaborer de temps en temps au magazine féminin de BD « Line ».
Ces récits sont certifiés « sans Michel Vaillant », une nuance cruciale qui permet d’apprécier le talent brut de l’artiste. Elles témoignent de sa passion viscérale pour la course et prouvent qu’il était déjà un spécialiste du genre, capable de retranscrire avec justesse l’adrénaline et le drame des circuits, bien avant que son célèbre pilote ne prenne le volant.
C’est en 1957 que né « Michel Vaillant », célèbre et sympathique pilote automobile, sous les crayons et pinceaux de Jean Graton, qui lui fera vivre d’abord que quelques courts récits, avant de faire l’objet en 1959, d’un premier album « Le Grand Défi », premier album d’une longue série.
Pépites narratives, véritables fondations de la série Michel Vaillant
Ces histoires s’apparentent à de véritables « madeleines à moteur », des pépites graphiques et narratives qui constituent les prémices de la série Michel Vaillant. Ces récits courts lui ont servi de laboratoire pour parfaire sa grammaire narrative et visuelle : le rythme haletant des courses, la psychologie des pilotes face au risque, et cette obsession du détail mécanique qui deviendra sa signature.
C’est ici que Jean Graton a exploré les multiples facettes du sport automobile – qui feront la richesse de sa future saga – et qu’il a appris à faire « parler » les moteurs, avant de donner une voix à Michel Vaillant. Pour tout amateur désireux de comprendre la genèse de l’œuvre, cette collection est simplement indispensable.
Temps héroïques du sport automobile
Au-delà de leur valeur de témoignage, ces histoires transportent le lecteur au cœur des temps héroïques d’un sport automobile vintage. Cette expression ne désigne pas seulement une époque, mais une atmosphère : celle d’un sport où le courage du pilote semblait primer sur la technologie, où chaque course était une aventure épique aux confins du péril et de la gloire.
Chaque planche, portée par le trait dynamique de Graton, suinte l’huile de ricin et la gomme brûlée d’une époque où les pilotes s’apparentaient à des aventuriers et les courses à des épopées modernes.
Les titres à eux seuls suffisent à planter un décor empreint de tension et de gloire. Des récits aussi évocateurs que Le virage de la peur, Conducteurs de l’enfer, ou l’historique Fangio, champion du monde ! font vrombir l’imagination et rappellent la dramaturgie d’une ère finement croquée par un auteur passionné.
On y retrouve une dramaturgie puissante, centrée sur le danger inhérent à la course, l’exploit humain face à la mécanique et un hommage appuyé aux figures réelles qui ont marqué ce sport, comme le grand Juan Manuel Fangio.
Derrière chaque légende se cache une histoire
La redécouverte de « Michel avant Vaillant, histoires courtes (1954-1964) » n’est pas anecdotique, elle est essentielle. Elle révèle les fondations sur lesquelles s’est bâti l’univers de Jean Graton, l’un des maîtres de la bande dessinée franco-belge. Ces histoires constituent les véritables prémices de la série Michel Vaillant. Il serait erroné de considérer ces histoires courtes comme de simples brouillons. Le style de Jean Graton y est déjà pleinement visible, posant les fondations de ce qui deviendra sa marque de fabrique. Finalement, cet ouvrage rappelle que les plus grandes légendes ne naissent pas d’un coup de génie, mais se construisent patiemment, virage après virage.
Sources et crédits photos @Graton éditeur/Éditions Dupuis
