La ligne d’arrivée des 24 Heures du Mans franchie, ce n’est pas la Toyota TS050 Hybrid n°5, leader le tour précédent, qui s’est présentée mais sa suivante, la Porsche 919 Hybrid n°2, qui hérite d’une victoire improbable. Certains d’entre vous diront incroyable, nous persistons à écrire improbable. A la stupéfaction générale, la machine japonaise s’est immobilisée dans le dernier tour de course laissant le prototype allemand enlever la 18ème victoire de Porsche au Mans, 18 étant également le nombre de participations de Toyota à l’épreuve mancelle, sans aucune victoire !
Hara-Kiri en Sarthe
Les deux premières manches du championnat du Monde d’endurance FIA WEC avaient annoncé la couleur pour les équipes engagées en LMP1-H : complexité des systèmes hybrides, difficultés à en extraire la quintessence, délicate fiabilité et fragilité. Après un départ sous régime de safety car pour cause de pluie – 7 tours soit 50 environ minutes, presque un relais, une première au Mans ! – les LMP1-H ont finalement tenu leur rang sans trop de soucis et ce sont les deux Toyota TS050 Hybrid qui ont tiré leur épingle du jeu grâce à leur performance et une bonne stratégie du Toyota Gazoo Racing. En début d’épreuve, c’est le trio Stéphane Sarrazin, Mike Conway et Kamui Kobayashi sur la n°6 qui a dominé une bonne partie de la course. Puis le trio Sébastien Buemi, Anthony Davidson et Kazuki Nakajima est revenu dans le rythme ; grâce au pilote suisse ; pour installer la n°5 à la place de la n°6 après la sortie de piste de Kobayashi, le dimanche en fin de matinée.
Aucune des deux TS050 Hybrid n’a connu la moindre alerte jusqu’à ce que la n°5 ne ralentisse subitement et brutalement, perdant du temps pour finalement s’arrêter sur la ligne de départ avant de repartir à allure très réduite. En application du règlement particulier des 24 Heures du Mans (art. 10.15), faute d’avoir pu accomplir son dernier tour en moins de six minutes, la Toyota n°5 n’a pu figurer au classement final de l’épreuve ! Le Toyota Gazoo Racing tenait pourtant un succès tant mérité au Mans. La 2ème place de Sarrazin/Conway/Kobayashi ne consolera pas l’équipe Toyota Gazoo Racing qui a de quoi être déçu, surtout après la très belle prestation donnée lors de cette 84ème édition de l’épreuve mancelle. En 18 participations depuis 1985, ce résultat marque le 6e podium et la 5e seconde place de Toyota au Mans.
“C’est quelque chose que l’on ne peut pas imaginer” confiait un Hugues de Chaunac, en larmes à l’arrivée, “On peut faire des rêves, on peut faire des cauchemars comme casser à quelques heures de l’arrivée, voire même à 45 minutes de la fin. Mais dans le dernier tour devant nous, c’est la cruauté totale. On ne comprend pas et on ne réalise pas. Tout à coup, la voiture a connu une perte de puissance” a expliqué le président du Groupe ORECA, partenaire de Toyota Gazoo Racing. “La voiture s’est arrêtée à trois minutes près alors que jusque dans la matinée, nous avions encore deux autos en étant les seuls à avoir un joker. Certes, il y a eu le petit souci de sortie de route et on pouvait faire 1 et 2. Perdre la course comme cela est juste insupportable. Nous avons vu qu’il y a avait un problème mais personne n’y croyait. On pensait que c’était impossible. Je suis tellement mal. Il faudra revenir mais là on y était. Cette course est si dure à remporter. Même le grand patron de Porsche est venu nous dire qu’on la méritait. On se souviendra que encore une fois Toyota n’a pas gagné.”
Toshio Sato, Président de l’écurie : “Je reste très fier de nos efforts, pas seulement aujourd’hui mais depuis l’an dernier. Je remercie les équipes de Higashi-Fuji et de Cologne, ainsi que notre partenaire ORECA. La manière dont nous avons réagi à la déception de 2015, en développant un nouveau châssis et une nouvelle motorisation en si peu de temps, a été impressionnante. La TS050 affiche des performances très élevées. Nous avons travaillé en équipe et participé à une édition exceptionnelle des 24 Heures du Mans. Bravo à Porsche pour leur victoire. Je n’ai pas de mots pour décrire nos émotions. Nous reviendrons encore plus forts et plus déterminés pour gagner.”
Achtzehnten Sieg
18ème victoire au Mans pour Porsche. Quelle différence avec la 17ème si ce n’est pour le prestige et le livre des records, alors qu’une victoire pour Toyota aurait eu une tout autre signification. Mais c’est le sport mécanique, parfois cruel et injuste. Quoi qu’il en soit, Porsche n’a pas volé cette victoire et garde son trophée de vainqueur 2015. La mésaventure de la Toyota n°5 aura fait oublier les problèmes mécaniques rencontrés assez tôt samedi après le départ : alerte en piste avec une augmentation de température et pompe à eau pour la 919 Hybrid n°1 de Mark Webber, Timo Bernhard et Brendon Hartley la plongeant au milieu du classement. Seule la n°2 de Romain Dumas, Neel Jani et Marc Lieb restait au contact des Toyota (V6 2.4L turbo hybrid) qui bouclaient 14 tours entre chaque ravitaillement contre 13 pour les Porsche (V4 2.0L turbo hybrid). Difficile d’aller chercher les prototypes japonais surtout lorsque le rythme augmentait.
“On m’a dit que la Toyota de tête perdait de la puissance” a déclaré Neel Jani à sa descente du podium. “Il restait encore deux tours. J’ai poussé et poussé encore en pensant que je pouvais la rattraper. J’ai ensuite vu la voiture à l’arrêt devant les stands. C’était surréaliste. A ce moment-là, je n’avais aucune émotion car je peinais à y croire. Quelque chose comme cela n’arrive qu’une fois dans une vie. J’ai poussé chaque tour comme une qualification. Nous pensions tous les trois qu’il fallait pousser au maximum au cas où il arrive un pépin à l’avant.”
Romain Dumas, pour son deuxième succès au Mans, à déclaré : “Nous avons du mal à réaliser et je suis peiné pour Toyota. Personne n’imaginait un tel final. Tout le monde s’en souviendra comme tout le monde se rappellera du podium.”
Podium inespéré
Pour la première fois depuis 1999, date de ses débuts en LMP1, aucune Audi ne devait monter sur le podium à la régulière. Le non classement de la Toyota n°5 en a décidé autrement, plaçant l’Audi R18 n°8 de Luca di Grassi, Loic Duval et Oliver Jarvis sur la dernière marche du podium, à 12 tours du vainqueur. Comme leurs sœurs 919 Hybrid, les R18 e-tron Quattro ont été affecté par des pannes mécaniques : casse du turbo le samedi, réparation des panneaux lumineux sur les flancs et souci de freins. Le Dr Ullrich confie : “On a eu des soucis avec des composants que l’on utilise chaque année et rien n’est lié à la nouvelle technologie de l’auto. Pour nous, c’est important de revenir et de prouver que l’on peut encore gagner”. la n°7 de Benoit Tréluyer, André Lotterer et Marcel Fässler termine en 4ème position à 17 tours.
LMP1 privées oubliées
Les LMP1 privées non hybrides n’ont pas survécu à cette surprenante édition des 24 Heures du Mans, de part les conditions du départ jusqu’à l’arrivée ubuesque. Des trois auto de la catégorie, seule la Rebelion R-One n°12 voit le drapeau à damier se classant… 29ème, loin derrière les LMP2 et engluée dans les LMGTE ! La voiture sœur n°13 a abandonné et la CLM P1/01-AER du Bykolles Racing Team a été victime d’un incendie.
Au final, le podium des marques/constructeurs de la course était le même qu’aux essais : Porsche, Toyota et Audi.
Le classement provisoire des 24 Heures du Mans 2016 est > IcI <
Crédit photos @ Emilie Drouet, Raphael Dauvergne, Porsche, Audi
Source CP Toyota, Porsche, Audi