Essai classic Alpine A110 Groupe 4 1970 “usine ex-Thérier” : Obsession Monte Carlo
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Essai classic Alpine A110 Groupe 4 1970 “usine ex-Thérier” : Obsession Monte Carlo

Alpine A110 Groupe 4 1970

« Ok on sera prêt ! » Voilà les mots que je viens de prononcer juste avant de reposer le micro de la CB sur le tableau de bord… Le problème avec Jean-Pierre c’est qu’il est toujours à l’heure, à chaque fois dans la seconde au bout des spéciales, quelles que soient les conditions de route. Alors pour être prêts en bas du prochain col pour enlever les pneus clous, il va falloir qu’on se crache dans les mains avec les mécanos. Heureusement notre nouvelle auto d’assistance pour ce Monte Carl’ 70 est une rutilante Renault 16 TS bien plus performante que l’estafette qu’on trainait jusque-là. Hein que se passe-t’il, la CB se met à sonner mais je n’arrive pas à l’atteindre, elle ne veut pas s’arrêter ?! Non c’est mon réveil, il est 7h22, on est samedi matin, en Octobre 2017 ! Je ne suis pas en plein Monte Carlo 1970 au volant de la R16 garée devant chez nous… Tout va bien, Jordan et Gaël arriveront en fin de matinée, juste avant Jean-Pierre avec la star du jour, son Alpine A110 Groupe 4 de 1970, vous savez la p’tite bordeaux qui brille au Monte Carlo Historique depuis plusieurs années !

 

Un morceau d’Histoire

Dire que la Berlinette Alpine est un morceau de l’histoire automobile française n’est pas vraiment original, je vous l’accorde. Pourtant quand on voit la côte d’amour et l’engouement populaire que véhicule cette auto, c’est bien qu’elle a su marquer son époque et traverser les décennies sans perdre de son aura ou de sa légende. C’est bien pour ça d’ailleurs que Renault a décidé de faire revivre la marque et même le nom A110 (2017), mais ça, c’est une histoire … commerciale. Un bref retour sur l’histoire Alpine est impossible sans évoquer son génial créateur Jean Rédélé. La recette est simple, un châssis poutre habillé d’une coque en fibre, un moteur et des trains roulants de grande série mais affutés pour un seul objectif, la performance ! Il suffit de regarder les résultats en championnat du monde des rallyes pour comprendre que maître Rédélé a réussi plus qu’un coup de génie : l’A110 réussissant même l’exploit d’être championne du monde en 1973 devant d’autres autos bien plus puissantes. Aujourd’hui les A110 sont loin d’être has been, les perf’ sont toujours décoiffantes et leur apparitions toujours aussi remarquées. Bonus du jour, celle qui ronronne bruyamment sous nos yeux le temps de faire chauffer la mécanique n’est pas une Berlinette “lambda”, qui ferait déjà bien des heureux dont moi : il s’agit ici d’une véritable voiture usine, une Groupe 4 pilotée par Jean-Luc Thérier, avec laquelle il remporta le Rallye San Remo, épreuve du Championnat du Monde 1970 !

 

Des lignes intemporelles

Impossible de ne pas la reconnaitre au premier coup d’œil tant l’A110 est originale dans le paysage automobile. Ce morceau de 3m85 par 1m52 et seulement 1m13 de haut est immanquable, il n’y a qu’à voir le nombre de signes, pouces levés, clins d’œil ou têtes dévissées sur son passage lors de notre essai pour s’en convaincre, s’il en était encore besoin. Fine et élégante, elle est difficile à décrire tant elle fait partie du paysage et tant ses lignes sont connues. Pourtant l’avant est plutôt original avec ses 4 phares ronds encadrant une arête centrale marquée et soulignée par les charnières du coffre avant. Ici des antibrouillards périphériques viennent compléter cette face de batracien aux yeux écarquillés. Le profil est incroyablement bas, en grande partie grâce à cette architecture à poutre centrale : l’habitacle est confiné sous une ligne de toit dynamique et plongeante, après un pare-brise pas trop vertical pour l’époque, favorisant l’aérodynamisme. L’arrière est quant à lui campé sur un train arrière recevant le groupe motopropulseur en porte-à-faux sous un court capot, en plissant très fort les yeux on peut imaginer que la 4cv d’origine s’est fait joliment aplatir pour donner ces formes dynamiques et animales.

 

Si l’exemplaire du jour est particulièrement sympathique à l’œil, c’est sans doute grâce à sa couleur rouge bordeaux originale … mais pas d’origine. En effet cette A110 de 1970 est une véritable Groupe 4 d’usine ! Jean-Pierre, son très sympathique propriétaire, insiste sur le fait qu’elle est loin d’être dans sa configuration d’époque : elle a des ailes larges dont elle n’était pas équipée en 1970, le bloc moteur n’était pas celui d’origine lorsqu’il la récupérée il y a 4 ans maintenant et surtout elle n’est pas bleue ! Si vous suivez un peu les rallyes historiques et plus particulièrement le Monte Carlo, nul doute que vous avez déjà aperçu cette A110 à l’attaque, et certainement pas très loin lorsqu’il n’est pas au volant, Jean-Pierre Coppola. JP se prépare pour son 19ème Monte Carlo Historique en janvier prochain, le 5ème avec cette A110. Pour les 14 précédents sa monture était également dieppoise, une A310 bleue avec laquelle il brillera notamment en 2012 et 2013, terminant ces deux éditions à la seconde place, à respectivement 9 secondes et 2 secondes de la plus haute marche du podium au bout de la semaine de course !

Ergonaustrophobie à l’intérieur ?

Vu de l’extérieur on pourrait craindre que l’habitacle soit réduit à sa plus simple expression, rendant l’habitabilité compliquée. Une fois contorsionné pour se glisser dans le baquet, la bonne surprise est d’apprécier le volume intérieur. Oui il y a du volume à la tête et derrière, suffisamment en tous cas pour glisser un arceau et une roue de secours. Si par contre on se concentre sur le volant et ce pour quoi on se glisse derrière, on comprend que le mot ergonomie n’était pas aussi répandu sur les planches à dessin qu’il ne peut l’être maintenant dans le bureau de design. A vrai dire ce n’était certainement pas le premier point du cahier des charges, mais la position de conduite est pour le moins … surprenante. On est très incliné vers l’arrière, avec un vide sous les genoux avant de jeter ses pieds en hauteur vers le centre de la voiture pour trouver le pédalier. Et oui le passage de roue est juste là sur le côté extérieur, pas d’autre choix que de décaler le pédalier, un peu comme dans une Mini, en bien plus marqué !

 

L’équipement est plutôt riche avec un bloc compteur garni, complété ici d’un trip master indispensable au passager, pardon copilote. Le petit volant tombe bien dans les mains, le levier assez long est juste à côté, idéal comme poste de travail ! Pour le reste c’est vrai qu’il n’y a pas de superflu, tant dans l’équipement que dans la place, mais une nouvelle fois tout est là pour faire le job.

Sous le capot, un 1860 cm3 !

L’Alpine A110 est connue pour son bloc alu 1300 ou mieux 1600 pour les plus rares et plus puissantes versions, ici Groupe 4 oblige, nous avons droit à l’ultime déclinaison de ce moteur avec une cylindrée de 1860 cm3. Le bloc affûté par la société Ferry Developpement de Patrick Dufflot est gavé par 2 gros Weber qui participent grandement à l’ambiance sonore de la voiture. L’autre membre de l’orchestre est le magnifique échappement sur mesure qui hésite encore entre trompette et caisse de résonance, mais il a définitivement oublié le registre du pipo ! Le moteur est accouplé à une boite 364 5 vitesses, pignonnerie Monte Carlo, et un autobloquant à galets, de quoi exploiter au mieux les 178 ch du 4 cylindres. Pas forcément une puissance énorme, mais vu le faible poids de l’auto (mesuré juste en dessus des 700 kg), c’est le couple et sa vivacité à prendre des tours qui est appréciable.

 

La polyvalence de la Berlinette A110 fait qu’on la retrouve aussi bien sur l’asphalte lisse d’un circuit que sur les routes enneigées des rallyes hivernaux, bel éventail ! Aussi les réglages châssis varient forcément d’une application à une autre, c’est pourquoi, sortie des rails de neige auxquels elle est habituée, elle peut paraître un peu haute sur pattes ici sur les routes de Haute-Savoie. La suspension est souple pour aller chercher le grip là où il se trouve, rendant les changements d’appuis visuels tout comme les transferts de masse lors des freinages ou accélérations vu de l’extérieur. Même un peu haute, elle semble prête à avaler le bitume !

 

Alors si justement on allait voir comment ça roule une A110 Groupe 4 ?!

3-2-1, go !

Inutile de dire que JP connait sa machine : “Et ça, une fois que tu y as gouté, c’est vrai que c’est difficile de s’en passer”. Le roulage au Col du Corbier s’annonce pour le moins sympathique. Pour vous en faire profiter encore plus, mieux que nos habituels mots, nous ajoutons pour cet essai les images. Et pour être à la hauteur de l’auto, Jordan s’est mis derrière la caméra, aidé par Gaël et son drone, pour une production JPog vraiment sublime. Montez le son et profitez de la vidéo, les 6 minutes passent en un instant et on en voudrait plus.

 

 

Malgré les démarrages répétés, les roulages à faible vitesse demandés par la camera, la Berlinette A110 ne fait pas de caprice et redémarre au quart de tour. Le ralenti assez haut envahit l’habitacle d’une douce mélodie, les vibrations n’étant pas trop présentes. Embrayage un peu dur, 1ère et hop la Berlinette A110 décolle doucement sans rechigner, le filet de gaz étant un peu irrégulier, on dirait que les Weber ne demandent qu’à s’ouvrir en grand pour s’exprimer. La pédale d’accélérateur un peu dure s’écrase finalement, et à peu près au même rythme plaque les occupants dans les sièges baquets. La première épingle est déjà là, oui déjà !, les freins sont fermes, demandent une bonne pression sur la pédale mais ralentissent la voiture plus qu’il n’en faut en plongeant le nez à l’entrée du virage le temps d’un talon-pointe pour tomber 2 rapports. Est-ce la décélération ou la plongée qui me plaque aux harnais ? 🙂

 

Le coup de volant visant de la corde place immédiatement le train avant plus précisément que ce que je pouvais espérer, assez bluffant de précision et facilité : poids plume et réglages de trains, voilà une recette infaillible. Sortie de l’épingle, roues droites, il semble raisonnable d’écraser à nouveau la pédale de droite, petite ruade du train arrière et les Toyo 888 encore frais peinent à passer le couple au sol. La boite est suffisamment bien guidée pour ne pas demander plus d’efforts et rester concentré sur le volant, car oui il demande du boulot à l’approche de la seconde épingle. On remet ça, freinage, rétrogradage, plongée, et hop coup de volant magique qui place l’auto au millimètre, incroyable d’efficacité. Et c’est comme ça sur toute la montée du col, l’Alpine porte bien son nom, elle est faite pour ce terrain de jeu.

 

Avec Jean-Pierre au volant, l’expérience se révèle presque physique, on ressent son attention portée sur la route, son activité déborde pour cravacher la Berlinette Alpine, mais surtout on perçoit ce plaisir communicatif trahit par ce sourire que le casque n’arrive pas à cacher. L’A110 se mérite, il faut la dompter et l’apprivoiser, mais une fois ce cap franchit elle n’est pas avare en plaisir et sensations, elle le rend bien ! Mais vu l’implication du pilote et le rythme dans ces conditions, je ne m’imagine pas passer les 5 jours du Monte Carlo Historique dans le baquet de droite ! La concentration nécessaire doit être épuisante… Heureusement JP me rassure, il ne fait pas 45° dans la voiture, le souci est même plutôt de ne pas avoir froid avec le moteur loin derrière et juste quelques durites d’eau qui naviguent jusqu’au radiateur à l’avant… Froid, concentration, conditions de route ultra changeantes, navigation et régularité, non clairement le job de copilote dans cette A110 ne doit pas être aisé !

 

Et avec toute cette activité, cette proximité avec l’action et l’acteur principal, le pilote, comme dans toutes les bonnes productions la bande son ne fait que décupler l’expérience. Tandis que les Weber cherchent à nous aspirer le cerveau, les freins prennent le relais et sifflent pour lui dire de rester là répondant à l’échappement qui lui se fait écho de l’enfer qui traverse les entrailles du bloc. Bref vous l’aurez compris l’expérience est tout simplement incomparable à quelque chose de connu, si bien qu’après une simple montée ou descente de col on se sent essoufflé comme malmené par un tambour de machine à laver en phase d’essorage ! On s’arrête en haut, Thierry et Anthony nous attendent pour une assistance rodée et efficace, les Toyo ne chauffent pas, il va falloir essayer autre chose…

 

Le lève vite porte décidément bien son nom, la voiture se retrouve le nez en l’air en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Pareil à l’arrière, les 4 roues sont changées, juste le temps de remettre un peu d’essence et JP peut repartir de plus belle. Une assistance rodée, qui connait la voiture, voilà un sacré atout sur un rallye au long cours comme le Monte Carl’ Historique !

 

Trouver une Berlinette A110 aujourd’hui ?

Vous êtes sous le charme de la Berlinette A110 ? Je peux le comprendre facilement, mais avant de vous jeter sur “leboncoin”, sachez que la cote de la petite dieppoise a littéralement explosée ces dernières années. S’il y a moins de 10 ans une belle 1300 se trouvait pour 35.000 €, c’est maintenant le ticket d’entrée pour un exemplaire au passé louche et sans vraiment d’historique. Pour un modèle en parfait état il faut compter plus de 50.000, et pour une 1600 rajoutez en encore une (grosse) louche. Ne parlons pas des « voitures usine » à l’historique glorieux, les transactions sont trop rares pour en tirer une côte… Un autre point à avoir en tête avant de se lancer dans l’achat d’une voiture à restaurer ? La fibre ! Oui, si le châssis poutre, les trains roulants et la méca sont « classiques » pour un restaurateur aguerri, bien que toutes les pièces ne soient pas si faciles à trouver, par contre la fibre c’est un vrai métier à part. Certains s’y sont spécialisés jusqu’à en perdre la raison comme La Gombe, mais ceux qui savent vraiment bien la travailler sont rares. L’important est de se documenter et se rapprocher des connaisseurs, via les associations et les clubs, avant de franchir le pas. Ensuite, pas de doutes, ce ne sera que du plaisir à chaque kilomètre parcouru !

 

Un grand merci à Jordan et Gaël pour les images, mais aussi et surtout au Team VHCoppola, que vous pouvez retrouver sur Facebook.

 

Jean-Pierre toujours souriant et enjoué !

 

Et Thierry et Anthony du Garage de la Douane à Moniaz pour leur support et cette assistance précieuse et efficace !

 

Et pour finir, une Alpine dans son terrain de jeu favori en attire forcement une autre. Une belle A310 passera en haut du Col du Corbier en fin de journée, avant de faire demi-tour et venir discuter. Pas de doute, les Alpinistes sont des passionnés partageurs…

 

Crédit photos @ Ambroise Brosselin
Crédit video @ JPog

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Ambroise Brosselin

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