Essai classic Jaguar Mk2 3.8 1961 : Highway to heaven
Essais Jaguar

Essai classic Jaguar Mk2 3.8 1961 : Highway to heaven

Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961

Aussi surprenant que cela puisse paraître, la Jaguar Mk1 doit son origine à son moteur. Le célèbre 6 cylindres en ligne XK a vu le jour en 1948 et fait ses lettres de noblesses en compétition sous les capots des Coupé et Roadster XK120, 140 et 150 et surtout les 5 victoires aux 24h du Mans avec les Type-C puis Type-D. L’idée de glisser ce bloc dans une berline un peu plus compacte que les grosses MkVII et VIII a germé dans le tête de Sir Williams Lyons pour présenter en 1955 les Jaguar 2.4 litres et 3.4 litres. Elles deviendront Mk1 en 1959 seulement lors de la présentation de sa remplaçante, la Mk2, une évolution légère mais visible : la surface vitrée augmente sensiblement avec des montants de pare-brise et de portes plus fin, un train arrière plus large pour une meilleure tenue de route. Elle s’attribue en même temps le titre très officieux de berline de série la plus rapide du monde avec une fiche technique à faire pâlir la concurrence en 1959 : carrosserie monocoque, 4 freins à disques, 6 cylindres 3.8 litres de 220 ch, boite manuelle 4 vitesses et 125 miles/h soit 201 km/h en vitesse de pointe ! Rajoutez une ligne plutôt sensuelle, un équipement intérieur digne des grandes sœurs de la marque, un poids relativement contenu de 1400 kg (à vide) et voilà la recette du succès.

Une ligne racée et chic

La Mk2 a été produite à un peu moins de 84.000 exemplaires entre 1959 et 1967, puis encore 7.200 exemplaires jusqu’en 1969 sous les patronymes 240 et 340, autant dire que sa ligne a eu le temps d’imprégner les esprits. Mais si sa silhouette est si reconnaissable aujourd’hui encore, c’est avant tout parce qu’elle est particulièrement réussie. L’avant avec sa grande calandre tout droit héritée des XK120 et suivantes, encerclée par les 2 phares en haut des ailes et les 2 antibrouillards plus bas lui donne un visage à la fois rondouillard et agressif. C’est un peu le cas de toute la ligne en fait, qui hésite en grâce élégante et sportivité. Pari osé mais pari réussi, de plein profil le pavillon assez laisse deviner la bonne habitabilité malgré des portes plutôt étroites pour une berline, comme si elles étaient là pour rappeler que nous sommes devant une “berline compacte”. Les roues à rayons so british semblent inévitables sur une anglaise des 60’s tandis que les ailes arrières très couvrantes avec leur « spat » peuvent laisser penser à un soin aérodynamique qui se confirme avec un arrière plongent très fin et élancé. Pas particulièrement en avance sur son époque, la Citroën DS était déjà en production depuis 4 ans lors de sa présentation, mais plutôt classique et réussie.

Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961

Cuir, bois et pipi de chat

Quand on ouvre (enfin) la porte, la vue est flattée par ce cuir rouge foncé, moquette assortie et surtout ce bois un peu partout. Entre les 5 arbres et les 4 vaches nécessaires pour faire l’intérieur, un autre animal s’invite à l’ambiance une fois installé derrière le grand volant… Oup’s j’ai dû laissé une vitre ouverte hier soir et une petite odeur de pipi chat se dégage de la moquette en plein soleil, le petit minou de la maison a marqué son terrain sur le gros chat dans le garage. Rassurez-vous Febreze spécial animaux fait des miracles ! Revenons à nos moutons, oui il doit y en avoir aussi dans cette épaisse moquette, pour contempler le tableau de bord. Le panneau central, véritable signature de Coventry dans les 60’s que l’on retrouve entre autres sur la Type-E, est richement garni : charge de l’alternateur, jauge à essence, commande des phares, pression d’huile et température d’eau, mais surtout un magnifique alignement d’interrupteurs basculants pour contrôler à peu près tout. Derrière le grand volant (j’ai déjà dit qu’il était grand ?), compte-tour et compteur de vitesse tombent sous les yeux. Les sièges avant sont larges et confortables, reste à voir si le maintien latéral en roulant ne sera pas trop inexistant. Si on s’installe à l’arrière le confort est tout aussi appréciable, on sent son dos bien tenu, l’espace aux jambes n’est pas énorme mais en glissant ses pieds sous les sièges avant on s’imagine volontiers faire quelques heures de route dans de légères effluves de cuir.

Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961

Hit the road Jag !

Allez assez tourné autour de la belle, il est temps de mettre le contact, presser le bouton “Starter” pour lancer le gros 6 cylindres. Le fameux XK démarre, le ralenti se stabilise juste au-dessus de 500 tr/min, on peut quitter le château d’Aigle lieu de la séance photo, direction Goodwood pour le Revival 2018. Et oui quoi de mieux que de faire le trajet vers ce voyage dans le temps proposé par Duke of Richmond avec cette Jag ? C’est parti, on débraye, la première passe doucement et on décolle … sans caler ! La pédale d’accélérateur présente un point dur un peu mal placé au moment de repartir du stop légèrement en pente, mais on va s’y faire… La berline compacte prend de la vitesse, je passe la 2 doucement pour ré-accélérer, la Lady s’intègre bien dans la circulation moderne. Direction l’autoroute pour une petite diagonale vers Orléans avant de quitter le ruban payant pour les routes secondaires, plus tranquilles.

Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961

Les premiers kilomètres pour aller au péage permettent de prendre en main l’engin, malgré ce point dur sur l’accélérateur, le reste est plutôt agréable et pas trop dépaysant si on se rappelle que la Jag affiche 57 années de bons et loyaux services. La suspension est douce et filtre correctement les irrégularités de la route sans pour autant donner trop de roulis, les freins mordent bien grâce aux 4 disques, disons juste qu’ils demandent un peu plus de pression que sur une moderne. Le plus déstabilisant sur les quelques premières dizaines de kilomètres reste la direction, plutôt pas mal démultipliée. A l’arrêt où en manœuvre le grand volant est grand mais bien utile pour se donner de la force, en roulant c’est par contre un peu plus surprenant, il faut mouliner pour passer les épingles ! Mais une fois sur l’autoroute c’est là qu’on sent la Jag à l’aise : elle ronronne tranquillement en 4ème autour de 3.250 tr/min alors que le GPS affiche un bon 135 km/h. Et encore, l’overdrive refuse obstinément de s’enclencher pour faire baisser le régime d’une bonne poignée de tours. La pression d’huile reste stable, la température d’eau est figée sous la graduation médiane des 70°C malgré les presque 30 extérieurs. Tout fonctionne à merveille, les grandes montées de l’A40 s’avalent avec une facilité déconcertante, le 3.8 litres semble avoir des ressources incroyables et un couple camionesque quel que soit le régime. 600 km et 6 heures plus tard, nous quittons l’autoroute pour contourner Orléans et rejoindre le réseau secondaire plutôt calme en cette chaude fin d’après-midi.

Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961

Plus encore que sur autoroute, sur ces départementales qui alternent interminables lignes droites et enchaînements sinueux rapides, la berline excelle et montre tout son potentiel. Le châssis est assez rigide pour ne pas se perdre dans les changements d’appuis, les freins répondent présents et ce XK est vraiment addictif tant il est volontaire et véritablement puissant. On comprend mieux les succès en rallye au long cours ou même sur circuit. Les 275 km pour clôturer la journée et arriver à Dieppe sont un véritable régal, le confort faisant le reste pour arriver à l’hôtel plutôt frais, enfin chaud mais en forme. Première journée de balade, pas de la façon la plus paisible qu’il soit, mais au moins on valide le choix de la monture. Jeudi matin, après une bonne nuit de sommeil, une lichette d’huile dans le XK et un démarrage sans hésitation malgré la nuit passée dans l’humidité locale, nous voilà au centre-ville de Dieppe pour une sympathique découverte de la ville. Mais nous ne sommes pas là pour le tourisme, direction le port. Bonne nouvelle nous ne sommes pas les seuls en ancienne à aller en Angleterre : le club Facel Vega est présent avec une quinzaine de voitures, quelques Jaguar, une Berlinette Alpine A110, une Austin Healey et même une Caterham anglaise qui rentre à la maison. Les 4h de bateau passent assez vite et nous voilà de l’autre côté de la Manche et l’autre côté de la route. Quelques embouteillages pour sortir de Newhaven, rebelote sur la route côtière et pour traverser Brighton en pleine heure de pointe, rien ne semble perturber la Jag qui ne chauffe pas. Mon mollet gauche ne souffre pas, l’embrayage n’est pas trop raide, mon mollet droit maîtrise (presque) le point dur de l’accélérateur. Il est temps de remonter vers le Nord à travers la campagne, on croise une microscopique Austin Seven, une AC Cobra, puis une Type-E pas de doute, on se rapproche du graal !

Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961

Une bonne nuit de sommeil nous aide à digérer les Pims de la veille, nous voilà vendredi matin 1ère journée du Revival 2018 . Arrivés sur le parking visiteurs du Revival, nous traînons un peu à regarder les nombreuses Mk2 présentes, à jouer au jeu des 7 erreurs, repérer quelques détails ou options originales qui diffèrent de la notre. Finalement le blanc intérieur rouge est presque le plus répandu, juste devant les grises, les rouges puis les bleues foncées, les BRG se font bien plus rares, les bordeaux également. Après une longue première journée à arpenter les allées du circuit de Goodwood et trainer dans les paddocks, on est assez heureux de se retrouver dans le calme et le confort tranquillement installés à bord de l’anglaise. Surprise samedi matin en ouvrant la porte du garage, la roue AR gauche est à plat ! Ouf la roue de secours, le cric, le spiner saver et le marteau de Thor font partis du voyage et 10 minutes plus tard nous voilà en route pour le circuit. Samedi puis dimanche, les journées défilent, la rétine et les oreilles en overdose, nous nous délectons du spectacle, mais déjà le réveil sonne l’heure du départ pour retourner à Newhaven : nous sommes lundi matin le Revival est terminé.

Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961

Le GPS n’ayant pas vraiment anticipé la circulation aux horaires de bureau, le paisible trajet se transforme en sprint pour arriver juste à l’heure au port. Ouf nous grimpons dans le bateau au milieu des derniers camping-cars … avant de retrouver à côté du même groupe de Facel qu’à l’aller ! Lundi marathon, direction Orléans, puis l’autoroute direction la maison. La nuit tombe, la température avec, on remonte les vitres pour profiter de la chaleur dégagée par le compartiment moteur … et les bruits d’air un peu moins supportable avec la fatigue. Malgré tout l’ambiance intérieure est délicieuse avec tous ces compteurs illuminés, la douceur de la mécanique et ce confort toujours appréciable même après bientôt 10h passées dans la voiture, il reste encore de la route. Chaque pause sur l’autoroute pour faire le plein est l’occasion de discuter de la Jag avec d’autres noctambule du ruban noir, routier, vacanciers, touristes, elle ne laisse personne insensible. Puisqu’on parle de faire le plein, c’est vrai qu’on fait souvent escale à la pompe malgré un réservoir de 55 litres : le XK n’est pas forcément du genre frugal. Peut-être que les 2 carbu SU ne sont pas réglés aux p’tits oignons, oui l’overdrive ne s’enclenche pas, oui il a fait très chaud sur tout le trajet, mais 271 litres pour 1961 km de balade, ça pique un peu quand même… Une Subaru WRX passerait presque pour un chameau à coté !

Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961

Rouler en Mk2 aujourd’hui ?

Voilà une idée qu’elle est bonne. Plutôt polyvalente et tout à fait utilisable au quotidien, les pièces sont facilement trouvables en UK et les spécialistes d’anciennes connaissent assez bien cette architecture. Suffisamment bien entretenue elle saura être fiable mécaniquement, attention cependant à la corrosion. En bonne vieille anglaise elle y est particulièrement sensible et en cas de mauvaise surprise l’addition grimpe très très vite. Côté tarif justement, on peut trouver des Mk2 2.4 pour moins de 20.000 €, mais il parait que les 120 ch sont un peu juste pour promener les 1400 kg de l’engin sur tous les reliefs. Mieux vaut orienter sa recherche vers une 3.4 litres (210 ch) ou une 3.8 litres (220 ch et encore un peu plus de couple) en rajoutant une dizaine de milliers d’Euros au budget, tout dépend de l’utilisation envisagée bien-sûr. Sinon reste l’option anglaise, en traversant la Manche on peut trouver une belle 3.8 RHD au prix d’une 2.4 LHD, en plus le volant du mauvais côté rajoute du charme parait-il ! Plus sérieusement l’autre option est celle de la cousine Daimler Saloon 2.5 avec son V8, qui reprend la caisse de la Mk2, à quelques détails près de finitions intérieures et extérieures, le plus visible étant la calandre un peu plus massive. Le V8 plus compact et plus léger offre 140 ch et la souplesse de son architecture, une alternative intéressante. Quoiqu’il en soit, avant de franchir le pas n’hésitez pas à vous documenter abondamment sur le sujet, sur le net bien sûr, en anglais ou en français via le très riche forum jaguar-mk2.fr, ou sur papier avec les très nombreux livres dédiés la Mk2 et les magazines d’anciennes qui abordent régulièrement ce modèle. Bonne recherche !

Jaguar Mk2 3.8 1961
Jaguar Mk2 3.8 1961

Crédit photos @ Ambroise Brosselin

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