Les Peugeot sportives ont bercé la jeunesse de bon nombre d’entre nous. Sans remonter aux 402 carrossées par Darl’Mat, ni même aux 504 coupé. A partir des années ’80 la mode des GTi a atteint les productions du lion avec quelques modèles désormais mythiques : 205 et 309 GTi, puis 106, 206 ou 306 S16. Même les berlines de la catégorie supérieure avaient droit à leurs versions délurées : 505 GTi/V6.Turbo, 405 Mi16 et T16. Mais l’ère des berlines sportives semblait révolue depuis plus de vingt ans chez le constructeur. Jusqu’à ce que…
Peugeot Sport Engineered : blason sportif d’un nouveau genre.
Elle est devant nous, la Peugeot de série la plus puissante de l’histoire. Dans sa teinte gris Selenium, l’une des trois uniques couleurs disponibles à date (avec un noir et un blanc). Et elle est belle. Il faut avouer qu’elle est née belle cette 508 (II). Bien plus que sa devancière en tout cas. Avec son capot bien horizontal, sa calandre verticale et ces feux effilés que prolongent cette signature lumineuse en croc de lion. La version berline est déjà belle, mais la version break en rajoute une couche avec un profil très « shooting break ». Dans les deux cas les feux arrière à trois bandes donnent à la poupe un côté Mustang. C’est un compliment. Dans la version PSE (présentée ici), la ligne est encore virilisée par des bas de caisse affichant fièrement des ailettes aérodynamiques devant les roues avant, les roues arrière et au bord du pare-chocs arrière. Ajoutez de grandes jantes de 20 pouces, il n’en faut pas plus pour asseoir la 508 et lui donner un air dynamique supplémentaire. Au cas où vous l’auriez manqué, le sigle PSE n’apparaît nulle part sur la carrosserie. Les trois bandes vertes Kryptonite sont censées parler d’elle-même. L’avenir nous dira si elles rentreront dans l’histoire comme le liseré rouge de la 205.
A l’intérieur, c’est encore les trois bandes vertes que l’on retrouve sur les seuils de porte et le volant. Le cockpit de la 508 reste à mes yeux un des plus réussis de la production actuelle. Moderne sans être surréaliste, chaleureux sans être lourd, on se sent rapidement à l’aise, d’autant que les sièges sont à la fois confortables et semblent avoir un maintien de bonne facture. A vérifier plus tard.
A niveau du style, la Peugeot 508 PSE marque d’emblée de beaux points : la voiture est belle, agressive sans exagérer. A côté d’un véhicule premium Allemand, elle garde la tête haute sur le plan esthétique.
Routière, mais pas seulement
Peugeot nous a concocté un sympathique roadbook au volant de la version break. Nous démarrons par un parcours autoroutier. Le temps de prendre en main la voiture et se faire une idée du confort dans ce qui serait son habitat naturel. Sans surprise, la 508 PSE se montre une excellente routière. Facile, avec une puissance suffisante pour s’extraire d’un péage ou s’engager sur une voie d’accélération sans crainte. L’affichage tête haute est très bien intégré, bien plus que les premières versions du constructeur sur les 3008 où il se faisait via un petit bout de verre qui se dressait devant vous. Le confort est au rendez-vous, tant pour les lombaires que pour les oreilles. Permettant d’atteindre les 140 km/h en full électrique, le contraire aurait été dommage. Mais même lorsque la partie thermique intervient, c’est toujours en douceur et vous pouvez profiter de la superbe sono haut de gamme Focale. La Peugeot 508 PSE routière : validé.
Le périple proposé nous emmène ensuite dans les Alpes Mancelles. Un premier test pour celle qui doit incarner le nouvel esprit sportif de la marque. Sur ces jolies routes sinueuses (et mouillées), la 508 se doit de se montrer rapide et amusante. Pour le premier point, le contrat est partiellement rempli. Si les performances semblent au rendez-vous avec une mise en vitesse bien plus marquée qu’au volant de la Peugeot 508 GT de 225 ch (lire ici), ce n’est jamais aussi violent que l’on pourrait l’espérer d’un haras de 360 ch. De ce côté c’est une demi-déception. Le mode « sport » n’apporte pas la touche de vivacité supplémentaire que l’on souhaiterait dans ce type de voiture. Mais si le moteur n’apparaît pas comme un point fort de la voiture, le châssis sait vous rappeler que chez Peugeot, les ingénieurs ont toujours su soigner les trains roulants. La 508 PSE se montre imperturbable dans ces conditions très Normandes. Grandes courbes comme virages serrés sont avalés sans l’once d’un sous-virage. D’un autre côté, pas la moindre trace de survirage non plus. Le maître mot est stabilité. Si cela à tendance à m’agacer dans une GTi, c’est moins le cas dans une grosse berline. La 508 PSE sait vous emmener très vite sur ces routes secondaires, sans forcer, sans suer et toujours dans un grand confort. Pas question d’aller chercher le dernier dixième, mais pour rentrer à la maison après une longue journée de boulot, c’est certainement une excellente compagne.
Les limites de l’exercice
Après une matinée sur route, l’après-midi est dédiée à essayer la version berline sur la piste Bugatti au Mans. Une piste que j’apprécie particulièrement. La ligne droite, le Dunlop, c’est pour Peugeot un rappel de grands moments aux 24 Heures du Mans, tant avec la 905 que la 908. Et bientôt ce sera le retour avec la nouvelle catégorie « Hypercar » dans laquelle Peugeot à annoncer revenir en endurance d’ici 2022.
Le reste du circuit est certes moins mythique, mais tout aussi intéressant avec des enchaînements techniques en dévers, des changements d’appuis et un bon mélange de virages rapides et serrés. Malheureusement en cette journée d’essai, deux « slow zones » ont été aménagées. Une pour travaux à l’entrée du “Chemin aux Bœufs”, l’autre en bout de ligne droite avant le Dunlop. Bref les deux virages les plus rapides sont neutralisés. On peut comprendre que Peugeot n’ait pas très envie que des journalistes plus ou moins doués envoient leurs jouets dans les bacs à gravier (ou les murs), mais c’est un peu frustrant tout de même.
Qu’importe, ne boudons pas notre plaisir, quelques tours de piste ne se refusent jamais. Dans le virage de la Chapelle, un long droit qui descend avant d’élargir en montée, la 508 PSE fait preuve de bonne volonté. Le nez s’inscrit bien en toute neutralité et l’arrière suit sans broncher. La remontée vers le virage du Musée, un gauche s’élargissant en descente ce coup-ci, la Peugeot reprend suffisamment de vitesse pour que je loupe mon point de freinage dans le premier tour. J’en suis quitte pour un coup d’ABS et un point de corde loupé. J’ai certes été optimiste mais j’ai bien senti le poids de la voiture (1 850kg à vide tout de même). A la reprise de gaz, la motricité est bonne jusqu’à la limite du grip. Une fois celle-ci atteinte, c’est l’arrière qui lâche en premier. Non pas brutalement, mais avec une vraie envie de jouer…jusqu’à ce que les aides à la conduite reprennent le contrôle pour remettre la voiture en ligne. Dommage. Il y avait là de quoi s’amuser.
Pour le freinage du garage vert (double droit), je prends un peu de marge histoire de ne pas me faire piéger deux fois de suite. Le feeling de la pédale n’est pas mauvais, j’arrive à bien ralentir la 508 PSE sans déclencher l’ABS. Avec un léger levé de pied j’arrive encore à faire partir l’arrière qui est une fois de plus vite rattrapé par la patrouille électronique. Chemin aux bœufs à 50 km/h (tristesse) puis S du garage bleu et raccordement pour reprendre un peu de rythme. La Peugeot 508 PSE se montre à nouveau très stable, mais elle n’incite pas à chercher la limite, handicapée une fois de plus par son poids.
Le point le plus déstabilisant sur piste est l’impossibilité de mettre la boite e-EAT8 en mode manuel. Alors que la majorité des boites automatiques proposent encore ce mode de guidage (pas toujours avec une intelligence embarquée très adaptée), la Peugeot gèrera en toute occasion les passages de vitesse à votre place. Au moins le fait-elle plutôt bien. Mais cela enlève un peu du plaisir de rouler sur piste malgré tout.
Au bout de trois tours, c’est l’heure de rentrer. Le Pace-car nous fait faire un tour au ralenti. Etant le premier arrivé derrière lui je patiente quelques dizaines de secondes à l’arrêt. Le temps de voir de la fumée sortir de la voiture. Pas de panique, rien ne prend feu. Mais clairement les plaquettes ont eu chaud. J’en viens à me demander si les slow zone n’ont pas en réalité été positionnées pour éviter de trop solliciter le système de freinage.
En un sens ce n’est pas étonnant. La Peugeot 508 PSE est rapide mais elle n’a rien d’une ballerine. La piste n’est pas son terrain de jeu, même si elle y démontre un équilibre digne de ses ancêtres sportives.
A prendre pour ce qu’elle est
Alors au final, cette Peugeot 508 PSE est-elle une bonne voiture ? Ma réponse sera oui. Mais avant cela passons en revue tous ces défauts.
Pas amusante sur circuit : ce n’est pas tout à fait vrai. La 508 PSE à de bons arguments à faire valoir sur piste. Des performances honnêtes, un équilibre fin et sain. Mais ce n’est pas sa vocation. Son poids autant que les garde-fous électroniques brideront le pilote qui cherche la limite de l’auto sur piste. Il y a un potentiel, mais il n’est pas exploité. En même temps, vous ne demanderiez pas à un lanceur de poids de courir le 100m en moins de 10 secondes.
Pas si performante : certes la 508 PSE ne vous colle pas au siège, mais les mises en vitesse sont bien là, l’accélération réelles et à défaut d’une motorisation enivrante, la Peugeot vous gratifie d’un châssis dynamique (sur route ouverte) qu’il sera bien difficile de suivre. A ce niveau de puissance théorique, vous pourriez espérer un peu plus de vitalité mécanique, mais honnêtement, 5.2 sec pour passer de 0 à 100 km/h c’est tout de même suffisant pour une utilisation quotidienne.
Chère : Pour une Peugeot diront certains. Certes, à 67 100 € pour la berline (68 400 € le break) la 508 PSE n’est pas à véritablement parler bon marché. Pour mémoire, la Volvo S60 T8 Twin Engine Polestar Engineered (lire notre essai ici) propose 405 ch (318 ch thermique et 87 ch électrique) pour un tarif proche, mais 2T sur la balance. Cependant à ce niveau de puissance la concurrence (premium allemand, certes) est facilement 10 000 € plus chère. Sauf que, me direz-vous, rares sont les clients qui achètent comptant (ou à crédit) ce type de voitures. Il s’agit de plus en plus de véhicules financés en leasing ou location (longue durée, LOA). Et dans ce cas, une BMW 340i X Drive (lire ici) revient dans la course grâce à une valeur résiduelle plus élevée. Mais c’est sans compter par l’arme secrète de la Peugeot : son faible niveau d’émission de CO2 (46 gr au km) lui permet de s’exonérer de malus écologique contrairement à l’Allemande (4 000 € à 8 000 € en fonction de la configuration) et même de TVS si elle est financée à vocation professionnelle. Bref, le calcul mérite d’être fait. Si à titre privé j’aurais du mal à mettre autant d’argent dans une voiture à vocation utilitaire, toute sympathique soit-elle, je ne me ferais pas prier pour en faire mon quotidien en véhicule de fonction.
Peugeot se lance avec cette 508 PSE dans une nouvelle ère de sportivité. Fini la performance rageuse, le frisson des virages à la limite. Désormais la performance « raisonnable », le compromis confort, écologie, sportivité est de mise. Les plus puristes ne pourront que se lamenter de cet assagissement relatif. Les plus optimistes se féliciteront de voir un généraliste tenter une nouvelle voie laissant encore s’exprimer la passion dans un monde de plus en plus autophobe. De mon côté j’ai apprécié cette Peugeot 508 PSE pour ce qu’elle est : une pionnière au sein de la marque. Un premier essai pour intégrer des technologies imposées à un avenir dans lequel la voiture de sport ne sera pas totalement exclu.
Bravo pour l’essai, d’autant plus qu’il est plutôt réussi. La 508 PSE est une excellente routière performante qui rend les services du quotidien avec brio et sait apporter du plaisir ponctuellement pour peu qu’on ne la pousse pas dans ses derniers retranchements.