Une supercar Alfa Romeo ? Depuis la 8C, la marque italienne n’avait plus d’offre équivalente. C’est chose faite avec la très attendue « Nuova 33 Stradale », proposée à la fois en motorisation thermique ou électrique. Fabriquée à la main en 33 ex. dans les ateliers de la Carrozzeria Touring Superleggera, basée sur la Maserati MC20, l’Alfa Romeo 33 Stradale de 2023 rend hommage à la 33 Stradale de 1967.
Dans les années soixante, époque de renaissance économique et de reconquête sociale et culturelle, la voiture représente un objet de désir, un symbole d’élégance, de vitesse et d’exclusivité. À cette époque, Alfa Romeo est dirigée par Giuseppe Eugenio Luraghi. Manager cultivé aux talents multiples, il souhaite ramener Alfa Romeo sur la scène du sport automobile international, après les fastes de la première moitié du XXème siècle : victoires au premier championnat du monde des voitures de Grand Prix en 1925, aux 11 éditions des Mille Miglia, aux 4 éditions consécutives des 24 heures du Mans et aux 2 premiers championnats du monde de F1 avec les légendaires pilotes Farina et Fangio.
En 1964, Luraghi estime que le moment est venu, pour Alfa Romeo, de revenir officiellement à la compétition. Pour reconstituer un département compétition, il acquiert Autodelta, déjà partenaire privilégié pour la production des TZ. Avec Autodelta, Carlo Chiti rejoint également Alfa Romeo et prend la tête de l’équipe de course officielle. La même année, le projet 33 est lancé. La voiture doit être capable de concourir dans les « catégories du moment », c’est-à-dire celles ayant les faveurs du public et l’attention des médias : le championnat du monde des Sport Prototypes.
Au milieu des années 1960, Autodelta s’installe à Settimo Milanese, plus près de l’usine Alfa Romeo, mais surtout de la piste d’essai de Balocco. Le premier châssis de la Tipo 33, conçu par Alfa Romeo et inspiré de la construction aéronautique, entre dans les ateliers d’Autodelta en 1965. Il s’agit d’une structure tubulaire asymétrique en alliage d’aluminium, en forme de « H », où sont intégrés les réservoirs de carburant et, à l’avant, une structure en magnésium qui supporte la suspension avant, les radiateurs, la direction et le pédalier. L’ensemble moteur-boîte de vitesses est monté longitudinalement en position centrale arrière. La carrosserie est en fibre de verre, afin de limiter la masse totale aux 600 kg requis par le règlement.
Près de deux ans s’écoulent avant que la 33 ne soit prête pour la course. Pour les premiers essais, la voiture adopte le moteur 4 cylindres de 1570 cm³ de la TZ2 ; entre-temps, un tout nouveau groupe motopropulseur est développé, avec une configuration en « V » à 8 cylindres, d’une cylindrée de 2 litres et d’une puissance de 260/270 ch. La première 33 à courir est immédiatement surnommée « Periscopica », en raison de la prise d’air qui dépasse de l’arceau de sécurité. La 33 entre en compétition le 12 mars 1967. Et elle gagne immédiatement et en 1971 voit sa cylindrée augmentée à 3.0 litres. C’est la première d’une longue série de succès sur les circuits les plus prestigieux qui mènera la 33 jusqu’aux victoires dans les Championnats du monde des Constructeurs 75 et 77.
Devant l’enthousiasme suscité par son retour en compétition, Alfa Romeo décide en 1967 de produire la 33 en très petite série pour les particuliers. Le design est confié à Franco Scaglione, passé par Pininfarina, puis Bertone, mettant toute son expertise technique et son audace créatrice au service du design de la 33 Stradale : innovation stylistique, aérodynamique, fonctionnalité, pureté des lignes, élégance de tous les détails avec portes à ouverture en élytre et capot moteur à ouverture intégrale.
Les autres différences par rapport à la version de course sont un empattement plus long de 10 centimètres et un châssis tubulaire en acier plutôt qu’en aluminium. Le moteur V8 2.0L de la 33 Stradale conçu par l’ingénieur Giuseppe Busso ; d’une puissance ramenée à 230 ch 8800 tr/min pour 206 Nm un couple ; ne fait pas exception à la règle. Il est dérivé de celui de compétition et réalisé en alliages d’aluminium et de magnésium, avec injection mécanique indirecte et taux de compression de 10:1. La vitesse de pointe dépasse les 260 km/h et le 0 à 100 km/h est crédité en 5,5 sec.
La 33 Stradale est officiellement présentée au Salon de Turin 1967, mais dévoilée quelques semaines plus tôt à un public passionné et averti à l’Autodromo di Monza, à la veille du GP d’Italie de Formule 1. Un lien renforcé par la présence du Quadrifoglio Verde, utilisé pour la première fois par Ugo Sivocci en 1923 et adopté, à partir des années 1960, comme symbole officiel sur les Alfa Romeo les plus performantes. À son lancement, la 33 Stradale est la plus belle et la plus chère des voitures de sport du marché, vendue à l’époque près de 10 millions de lires contre 6 ou 7 millions pour ses prestigieuses concurrentes. Seuls 18 ex. ont été fabriqués entre 1967 et 1969.
La beauté intemporelle de la 33 Stradale et la technologie directement dérivée de la Tipo 33 en font l’un des modèles les plus emblématiques d’Alfa Romeo. Elles seront une source d’influence de nombreux designers : Marcello Gardini pour Bertone en 1968 avec l’Alfa Romeo Carabo (Salon de l’automobile de Paris), trois projets développés par Pininfarina, la P33 Roadster GS la même année, la 33/2 Coupé Speciale en 1969 et la Cuneo en 1971 (qui hérite du châssis de la P33 Roadster GS), Italdesign avec l’Iguana de 1969 première Alfa Romeo dessinée par Giorgetto Giugiaro, puis en 1976, la futuriste Navajo présentée par Bertone.
Fort de cet héritage et de ce passé sportif, Alfa Romeo fait son retour dans le monde de la construction sur mesure, la « fuoriserie », avec une équipe d’artisans dédiée pour chacun des clients, la « Bottega » (atelier). C’est donc l’excellence qui est visée pour la nouvelle 33 Stradale. La Carrozzeria Touring Superleggera (lire ici) est en charge de la production des 33 ex. prévus, avec le niveau de perfection qui est la sienne. La très réussie Maserati MC20 (lire ici) apporte son châssis et son groupe motopropulseur. La structure monocoque carbone et aluminium repose sur un châssis aluminium en H.
Deux moteurs sont disponibles, au choix. Le V6 3.0L biturbo « Nettuno » de 630 ch et 730 Nm, associé à une transmission DCT 8 rapports Tremec avec différentiel électronique à glissement limité, est dérivé du groupe motopropulseur développé par Ferrari, pour les Alfa Romeo Quadrifoglio Verde (lisez notre essai de la Giulia ici). Le poids annoncé de 1 500 kg permet le 0 à 100 km/h en moins de 3 sec et une VMax symbolique de 333 km/h.
Une alternative électrique de 560 kW soit 760 ch ; limitée par la décharge de la batterie ; est également proposée, avec 3 moteurs électriques à aimant permanent de 300 kW chacun (408 ch) pour un couple cumulé de 1350 Nm : un à l’avant et deux à l’arrière. Ils sont repris de la Maserati GranTurismo Folgore (lire ici) La batterie de 102 kWh (90 kWh utiles) sous 800 volts alourdi la masse qui atteint 2 100 kg. Les performances annoncées pour cette version wattée sont de moins de 2,5 sec sur le 0 à 100 km/h et 310 km/h en VMax.
Sur les 33 exemplaires produits, seuls 2 exemplaires sont commandés en version électrique. Heureusement qu’Alfa Romeo ne parle pas de rentabilité pour sa « Nuova 33 Stradale » !
La suspension à double bras avec amortisseurs actifs, le système de freinage sans liaison mécanique « by wire » et les disques carbone-céramique signés Brembo (avec des étriers 6 pistons à l’avant) sont de série pour assurer dynamisme et sécurité. Deux modes de conduite sont au programme, via le sélecteur placé sur le tunnel central. Le mode « Strada » privilégie le confort et le plaisir de conduire : puissance délivrée en douceur, sensibilité normale de la pédale, suspension souple, boîte de vitesses fluide et soupapes d’échappement actives ouvertes au-dessus de 5 000 tr/min. Le mode « Pista », puissance et réactivité sont priorisées : suspension rigidifiée, changements de vitesse rapides et soupapes d’échappement actives toujours ouvertes, désactivation de l’antipatinage.
Pour l’esthétique, les proportions de la 33 Stradale de 1967 sont respectées dans les lignes de sa réinterprétation contemporaine de 2023. La longueur est passé de moins de 4 m à 4,63 m. L’équipe de design d‘Alejandro Mesonero-Romanos du Centro Stile Alfa a respecté le leitmotiv d’origine : la « beauté essentielle ». La carrosserie permet d’afficher des valeurs aérodynamiques très actuelles avec un Cx de 0,375 et un Cz à zéro, sans l’aide d’aucun système actif. L’avant, tout en rondeurs, met en lumière l’emblématique calandre triangulaire « Scudetto » entourée de projecteurs verticaux, véritable identité visuelle de l’auto, à la signature lumineuse particulière (cerclage en stries à LED). Autre référence au dessin initial, les entrées d’air latérales façon turbine, les passages de roues galbés, les flancs sculptés, le toit largement échancré à deux parties vitrées surplombant conducteur et passager, le becquet aérodynamique au design en forme de V, l’arrière tronqué « coda tronca » et feux arrière ronds dans le prolongement des sorties d’air.
Trois couleurs exclusives sont au programme : le classique Rouge Alfa, une réinterprétation du Bleu Royal et un vernis rouge plus raffiné appelé « Villa d’Este ». Une livrée rouge et blanche évocatrice de la Tipo 33 de compétition est proposée en option. Calandre, logos (Afla Romeo, Quadrifoglio et Autodelta), jantes en alliage de 20 pouces « Tributo », étriers de freins, échappements peuvent être personnalisés.
L’habitacle, disponible en deux niveaux d’habillage, « Tributo » et « Alfa Corse », associe minimalisme du design avec un nombre limité de commandes réparties sur deux niveaux (console centrale basse et haute sur le pavillon central), ainsi que des matériaux en fibre de carbone, cuir et Alcantara. L’instrumentation numérique est regroupée dans un combiné « cannocchiale » type Alfa Romeo. L’ensemble volant, manettes et boutons en aluminium, s’inspirant de l’aéronautique, affiche un style vintage.
Chaque voiture étant unique, leur VIN est spécifique suivant une procédure exclusive : les 8 derniers chiffres peuvent être personnalisés et représente la « signature » de chacun des 33 propriétaires. Ce numéro d’identification se trouve gravé au-dessus du tunnel central. Une plaque inspirée de celle des années 1960 est placée dans le compartiment arrière, certifiant des caractéristiques spécifiques et composants de chaque châssis/moteur/boîte de vitesses/batterie (si électrique).
Source CP Alfa Romeo