50 ans de la Ferrari 308, l’icône moderne qui a redéfini la marque italienne
Ferrari Historique

50 ans de la Ferrari 308, l’icône moderne qui a redéfini la marque italienne

Ferrari 308
Ferrari 308 GTB Quattrovalvole

Alors que la Ferrari 308 GTB célèbre son cinquantième anniversaire en 2025, le moment est opportun pour réévaluer l’héritage d’un modèle qui fut bien plus qu’un succès commercial. Au-delà de sa silhouette iconique, la berlinette 308 a représenté un tournant stratégique majeur, propulsant Ferrari dans une nouvelle ère de production et de rentabilité. Voici comment cette berlinette à moteur V8 a non seulement comblé un vide crucial dans la gamme, mais a également jeté les bases de l’identité moderne de la marque de Maranello, posant la question de son influence durable sur plusieurs générations de supercars.

Genèse d’une nouvelle ère

La naissance de la 308 s’inscrit dans un contexte stratégique crucial pour Ferrari. Après l’arrêt de la production de la très appréciée Dino 246 en 1974, la marque de Maranello se retrouvait sans modèle dans son segment d’entrée de gamme. Le succès de la Dino avait cependant démontré à Enzo Ferrari que ce marché était loin d’être négligeable. Le projet d’une nouvelle berlinette fut donc lancé pour capitaliser sur ce potentiel commercial et assurer un volume de production significatif.

Ferrari 308 GTB

Ferrari 308 GTB

Au sein de la gamme Ferrari de 1975, la 308 GTB – présentée au 61ème Salon de l’Automobile de Paris – occupait une place parfaitement définie. Elle se positionnait juste au-dessus de la Dino 246 GT V6 sortante et en dessous de la prestigieuse 365 GT4 BB à moteur 12 cylindres à plat. Son importance était capitale : il s’agissait du premier véhicule à moteur V8 en position centrale à porter officiellement l’insigne du Cheval Cabré.

Techniquement et conceptuellement, la 308 GTB, où le « B » signifie « Berlinetta » (berlinette), est une descendante directe de la Dino 308 GT4. Cette dernière, une 2+2 souvent critiquée pour son design, avait inauguré la configuration 3.0L V8 central deux ans plus tôt. Cependant, c’est bien la 308 GTB biplace qui est unanimement considérée comme la véritable héritière spirituelle et stylistique de la Dino 246.

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À sa sortie, cette nouvelle architecture moteur suscita le scepticisme des puristes : une véritable Ferrari se devait de posséder un V12. Toutefois, le contexte sportif joua un rôle déterminant dans l’acceptation du V8. La présentation de la 308, début octobre 1975, coïncida avec le titre de champion du monde de Formule 1 remporté par Niki Lauda en 1975 avec la 312 T.

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Ce positionnement stratégique habile n’aurait cependant pas suffi sans un atout majeur qui assura le succès immédiat du modèle : son design exceptionnel.

L’alchimie du design, synthèse parfaite de Pininfarina

Le design de la Ferrari 308, sous la direction de Leonardo Fioravanti pour Pininfarina, fut un coup de maître stylistique. Considérée comme l’une des silhouettes les plus réussies et intemporelles de l’histoire de la marque, elle représente une synthèse magistrale des courants esthétiques de Ferrari à l’époque, atteignant un équilibre visuel rarement égalé.

L’analyse de ses lignes révèle une filiation stylistique claire et brillamment exécutée, s’inspirant des deux modèles phares qui l’ont précédée :

  • Héritage de la Dino 246 GT : La 308 reprend les volumes séduisants de son aînée, notamment ses ailes fluides, ses prises d’air latérales festonnées qui sculptent le profil et s’achèvent dans les portières, ainsi que sa lunette arrière concave verticale caractéristique.
  • Influence de la 365 GT4 BB : L’influence de la « Berlinetta Boxer » – elle-même inspirée par le « concept-car P6 Berlinetta Speciale » présenté au salon de Turin en 1968 – est manifeste dans la partie avant, avec un nez plus moderne, effilé et acéré, qui a dicté le recours à des phares escamotables. On retrouve également la forte ligne de démarcation qui ceinture la caisse à mi-hauteur (comme sur les Lotus Eclat, Excel et Esprit S1), conférant à la voiture une posture agressive et bien assise.

Le résultat de cette synthèse est une forme jugée ; pour beaucoup dont nous faisons partie ; parfaite sous tous les angles. Grâce à des dimensions plus compactes que celles de la BB (17 cm de moins en longueur), ses proportions sont plus ramassées et nerveuses, lui conférant un équilibre des formes plus élégant sans perdre une once d’agressivité. Cet exploit stylistique est tel que le modèle n’a pratiquement pas vieilli en un demi-siècle.

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La pertinence de ce design a été reconnue par les designers eux-mêmes. Flavio Manzoni, l’actuel directeur du design de Ferrari, a utilisé sa propre 308 GTB comme référence visuelle lorsqu’il a entamé le travail, en 2015, sur la 488 GTB 2015 (lire notre essai ici), preuve de l’intemporalité de ses proportions.

Cette perfection esthétique abritait une mécanique et des choix techniques qui allaient connaître d’importantes évolutions, dictées tant par l’innovation que par les contraintes industrielles et réglementaires de l’époque.

Ferrari 308 GTB, Niki Lauda, "Clay" Gianclaudio Giuseppe Regazzoni
Ferrari 308 GTB, Niki Lauda, « Clay » Gianclaudio Giuseppe Regazzoni

L’évolution technique, entre innovation et contraintes réglementaires

La carrière de la Ferrari 308, qui s’étend sur une décennie, fut marquée par une série d’évolutions techniques significatives. Celles-ci furent le reflet d’une double réalité : d’une part, des choix d’innovation audacieux pour optimiser la performance et, d’autre part, des réponses pragmatiques aux nouvelles normes environnementales qui commençaient à remodeler l’industrie automobile.

La révolution « Vetroresina » (1975-1977)

Pour les premiers exemplaires, Ferrari a pris une décision inédite : produire les carrosseries en fibre de verre « vetroresina », une première pour la marque. Réalisées chez le carrossier Scaglietti, ces versions répondaient à une double justification : des délais de conception très courts qui favorisaient l’utilisation de ce matériau et un avantage de poids significatif, avec environ 150 kg de moins que les versions en acier qui suivront. Produites en un nombre limité d’exemplaires (les sources les plus conservatrices citent 712 unités, tandis que d’autres font état d’une première série de 808 exemplaires), ces premières 308 GTB « Vetroresina » sont aujourd’hui extrêmement recherchées par les collectionneurs pour leur légèreté et leur rareté.

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Le retour à l’acier et l’arrivée de la GTS (1977)

À partir de fin 1976 et durant l’année 1977, Ferrari est revenu à une carrosserie plus traditionnelle en acier, jugée plus résistante. Cette même année, lors du Salon de Francfort, la gamme s’est enrichie de la version 308 GTS, où le « S » signifie « Scoperta » (découverte). Dotée d’un toit amovible de type Targa, elle a rapidement conquis le marché, devenant la version favorite et représentant, selon les estimations, entre les deux tiers et les trois quarts des ventes.

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Le compromis de l’injection (1980-1982)

Au début des années 80, le durcissement des normes anti-pollution a contraint Ferrari à abandonner les carburateurs Weber au profit d’une injection électronique Bosch K-Jetronic. Cette évolution, qui a donné naissance aux modèles GTBi et GTSi, a eu des conséquences contrastées. Les modèles destinés au marché américain, équipés d’un moteur à carter humide pour satisfaire aux normes locales, étaient encore moins puissants, affichant 205 ch.

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La rédemption « Quattrovalvole » (1982-1985)

Conscient de cette baisse de performance, Maranello a corrigé le tir deux ans plus tard en introduisant la technologie « Quattrovalvole ». En dotant le moteur V8 d’une culasse à quatre soupapes par cylindre, la puissance a été portée à 240 ch (230 ch pour les versions américaines), sans renier les exigences d’homologation. Cette version est considérée comme l’aboutissement de la lignée, trouvant un équilibre parfait entre les exigences de performance et les contraintes de l’époque.

Ferrari 308 GTB

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Ferrari 308 GTB et GTS Quattrovalvolve

Malgré ces variations de performance au fil des ans, le succès commercial du modèle n’a jamais été démenti. Cette popularité a profondément modifié la structure économique de Ferrari, l’introduisant dans une nouvelle ère de production.

Caractéristique Ferrari 308 GTB (Europe, 1975) Ferrari 308 GTBi (1980) Ferrari 308 Quattrovalvole (1982)
Moteur V8 à 90°, 2 ACT V8 à 90°, 2 ACT V8 à 90°, 4 ACT (32 soupapes)
Cylindrée 2927 cm³ 2927 cm³ 2927 cm³
Alimentation 4 carburateurs Weber 40 DCNF Injection Bosch K-Jetronic Injection Bosch K-Jetronic
Puissance 255 ch 214 ch 240 ch
Carrosserie Initiale Fibre de verre (« Vetroresina ») Acier Acier
Châssis Tubulaire en acier Tubulaire en acier Tubulaire en acier

La démocratisation du « Mythe », impact commercial et production

La Ferrari 308 a transformé le modèle économique de la marque italienne en faisant passer la production d’un artisanat de niche à des volumes significativement plus élevés. Elle a rendu le mythe Ferrari plus accessible, sans pour autant sacrifier son prestige, et a solidement établi la rivalité avec des concurrents comme Porsche.

Les chiffres de production témoignent de ce succès retentissant pour l’époque :

  • Total des ventes : 12 149 exemplaires (toutes versions GTB/GTS de 1975 à 1985).
  • Production GTB (toutes versions) : 2 897 exemplaires.
  • Popularité de la GTS : La version découvrable a connu un succès immense, avec 3 219 exemplaires produits pour la seule première version à carburateurs (1977-1980).

Le succès de cette plateforme fut si profond que, combinée à son évolution directe, la Ferrari 328 (V8 3.2L), la production totale a dépassé les 15 000 unités, solidifiant ce châssis comme l’épine dorsale commerciale de la marque pendant près de quinze ans. Le concept de « démocratisation » doit cependant être nuancé. En 1983, une Ferrari 308 coûtait 53 475 $, alors qu’un véhicule moyen se vendait environ 15 000 $. Elle restait un objet de luxe, mais se positionnait comme une rivale directe de la Porsche 911, offrant aux amateurs une porte d’entrée « raisonnable » dans l’univers Ferrari.

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Ce succès commercial a été amplifié de manière exponentielle par une exposition médiatique sans précédent, qui a propulsé la Ferrari 308 du statut de voiture de sport désirable à celui d’icône culturelle mondiale.Une icône culturelle, la Ferrari 308 dans l’imaginaire collectif.

Une icône culturelle, la Ferrari 308 dans l’imaginaire collectif

La Ferrari 308 a transcendé son statut d’automobile pour devenir un véritable symbole culturel des années 80. Cet accomplissement est indissociable de son rôle central dans la série télévisée américaine « Magnum, P.I. », où elle était bien plus qu’un simple accessoire, mais une véritable co-star aux côtés de l’acteur Tom Selleck.

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L’histoire de son casting est révélatrice. Initialement, les producteurs avaient choisi une Porsche 928 (lire ici) pour le détective Thomas Magnum. Cependant, Porsche a refusé de modifier son modèle pour y installer un grand toit ouvrant nécessaire aux prises de vues aériennes et pour l’adapter à la grande taille de l’acteur (1,93 m). Ferrari, en revanche, s’est montrée plus flexible. La 308 GTS, avec son toit amovible, répondait parfaitement au cahier des charges. Bien que la voiture soit restée trop petite pour Tom Selleck, dont la tête dépassait souvent du pare-brise, elle est devenue le choix final et iconique.

Au fil des huit saisons de la série, trois modèles distincts de 308 ont été utilisés, permettant aux connaisseurs de dater les épisodes :

  • Saison 1 : 308 GTS (1978), reconnaissable à son unique rétroviseur et ses grilles rouges derrière les phares.
  • Saisons 2-3 : 308 GTSi (1980), identifiable à ses deux rétroviseurs et ses grilles noires derrière les phares.
  • Saisons suivantes : 308 Quattrovalvole (1984), qui ajoute une aération noire sur le capot et un béquet arrière noir.

Ce sont cependant une quinzaine de Ferrari 308 que Ferrari North America fournit à CBS pour le tournage de la série, les unes adaptées pour les scènes de conduite, les autres pour les plans rapprochés. Des répliques sur base de Pontiac Fiero furent assemblées pour les besoins des cascades et scènes de poursuite.

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Après 1988, toutes les voitures ayant participé au tournage de Magnum furent vendues aux enchères. L’une d’elle est notamment visible aux Studios Universal tandis qu’une autre fut achetée par Larry Manetti, l’interprète du personnage de Rick, qui en serait toujours propriétaire.

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Au-delà de Hollywood, l’aura de la Ferrari 308 a été renforcée par son association avec des légendes de la course. Le pilote de Formule 1 Gilles Villeneuve possédait une 308 GTS qui s’est vendue aux enchères pour plus de 400 000 $ en 2018, témoignant de la valeur actuelle du modèle.

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Gilles Villeneuve

Mais plus que sa possession, c’est une anecdote légendaire qui lie Didier Pironi et Gilles Villeneuve à la Ferrari 308. Eté 1981, lors d’essais à Modène, les deux pilotes de la Scudéria Ferrari décident de passer une soirée à Milan. Personne n’était censé être au courant de leur « virée ». Pourtant, vers 9 heures, le téléphone sonne pour leur annoncer que leur Formule 1 126 CK est prête plus tôt que prévue et qu’ils sont attendus.

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Didier Pironi

Ils sautent dans leur « Ferrari 308 de fonction » pour parcourir les 170 kilomètres qui les séparent de Modène. Malgré une circulation dense et des travaux sur l’autoroute, ils ne mettront que… 42 minutes pour faire le trajet soit une vitesse moyenne de… 242 km/h (!) connectant directement la voiture de route au mythe surdimensionné des pilotes de la Scuderia.

Cet héritage culturel, puissant et durable, est indissociable de l’héritage technique que la 308 a légué aux générations futures de Ferrari.

L’héritage durable, pierre angulaire des berlinettes V8 modernes

La Ferrari 308 représente un jalon essentiel dans l’histoire du Cheval Cabré. Elle est bien plus qu’un modèle à succès ; elle est la pierre angulaire qui a non seulement assuré la pérennité financière de la marque, mais a aussi défini l’ADN de sa lignée la plus emblématique pour les quarante années qui ont suivi.

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La 308 est le point de départ d’une lignée ininterrompue de berlinettes à moteur V8 central qui est devenue la colonne vertébrale de la gamme Ferrari. Sa descendance directe inclut des modèles aussi célèbres que les 328, 348, 355, 360, 430, 458, 488, F8 Tributo (lire ici), posant les bases d’une structure de gamme encore en vigueur de nos jours et dont l’esprit perdure aujourd’hui avec la 296 GTB (lire ici).

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Plus prestigieux encore, l’héritage technique de la 308 a servi de base à la création de la toute première supercar de l’histoire de Ferrari : la 288 GTO. Conçue à l’origine pour la compétition en Groupe B, la 288 GTO (lire ici) a ensuite évolué pour donner naissance à la légendaire F40 (lire ici), scellant ainsi la place de la 308 dans le panthéon des modèles les plus influents de Maranello.

Cinquante ans après sa présentation, la Ferrari 308 GTB demeure non seulement l’une des silhouettes les plus emblématiques de l’histoire de l’automobile, mais aussi le modèle qui a solidement et brillamment ancré Ferrari dans son ère moderne.

Caractéristique Détail
Années de production 1975 – 1985
Designer Leonardo Fioravanti (Pininfarina)
Variantes principales 308 GTB (Coupé), 308 GTS (Targa)
Moteur V8 à 90°, 2927 cm³, position centrale transversale
Puissance (308 GTB/GTS) 255 ch (Europe)
Puissance (308 GTBi/GTSi) 214 ch (Europe), 205 ch (États-Unis)
Puissance (308 QV) 240 ch (Europe), 230 ch (États-Unis)
Production « Vetroresina » 712 à 808 exemplaires (GTB, 1975-1977)
Production totale (GTB) 2 897 exemplaires
Production totale (GTS) 3 219 exemplaires (version carbu uniquement)
Production totale (toutes versions) 12 149 exemplaires
Successeur Ferrari 328 (1985-1989)

Sources CP et crédit photos @Ferrari, Wheelsage, Pironi.fr

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Yvan

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