Après les versions de route A110 Pure et A110 S puis la version de course A110 Europa Cup, me voici au volant de la version la plus énervée des versions civiles de la belle Dieppoise. Pour l’essai de l’Alpine A110 R, une virée dans le Perche en compagnie d’Alban. Propriétaire d’une belle Lotus Exige 360 Cup et pilote Alpine en GT4 Europe et France ces deux dernières années. De quoi bénéficier du regard expert d’un sérieux connaisseur.
Alpine A110 R : Un modèle profondément remanié
Loin d’être uniquement une version « marketing » avec de jolies couleurs et appendices aérodynamiques, l’Alpine A110 R est revue en profondeur pour gagner en efficacité sur piste. La liste est assez longue pour mériter un article entier, voir présentation détaillée de l’Alpine A110 R ici, alors plutôt que de refaire une nouvelle description, je vais plutôt vous parler de ce qui selon moi différencie le plus l’A110 R de ses petites sœurs.
En premier lieu, il y a bien entendu les évolutions carrosserie. Le capot carbone est une pièce magnifique, de même que l’aileron « col de cygne ». Les bas de caisse carbone sont aussi très réussis et l’ensemble donne un vrai look racing. L’impression que l’Alpine A110R en fait trop s’estompe cependant rapidement au fil des jours en sa compagnie. J’en suis venu à apprécier le côté « racing » à l’ancienne de la R. Au point même de ne plus être dérangé par le dessin différencié entre les jantes à l’avant et à l’arrière. Ces jantes en carbone sont spectaculaires, mais elles sont assez effrayantes : quid des coups de trottoir ? la sortie de la version A110 R Turini (lire ici) avec jantes en alliage a de quoi mettre plus en confiance pour un usage quotidien.
A l’intérieur, les baquets Sabelt Track sont magnifiques, mais j’y reviendrai dans la partie conduite. L’absence de ceinture de sécurité en rajoute dans la radicalité, mais cela ne s’avère finalement pas trop contraignant (tout est relatif). Le volant en microfibre offre une excellente prise en main en plus d’un look très course une fois encore.
Le châssis n’est pas en reste, rabaissé de 10mm par rapport à l’Alpine A110 S, il peut être encore rabaissé d’autant grâce aux amortisseurs réglables. J’avoue n’avoir pas joué avec cette possibilité lors de mon essai. Les amortisseurs se veulent plus raides que sur la S, mais je reviendrais aussi là-dessus plus tard.
Vient enfin le tour des pneus. Alpine équipe l’A110 R de Michelin Pilote Sport Cup 2 semi-slicks. Certainement très bien pour une virée sur piste, mais pour cet essai routier au moins de décembre, il me faut bien avouer que je n’aurais pas été mécontent si la voiture avait été équipée de gommes plus passe-partout.
Alpine A110R : à l’assaut des jolies routes du Perche.
C’est lors de mon essai de la Porsche Boxster S (986) de Jean-François (lire l’essai ici) que j’ai découvert cette jolie région du Perche. Il y a certainement de plus belles routes en France (ah, les Alpes…), mais c’est forcément plus loin de Paris. En attendant, le Perche offre une belle variété de tracés, entre les enchaînements rapides dans les champs, les sous-bois plus serrés et même quelques petites collines pour le relief.
Je prends la route en fin de matinée pour rallier le début du roadtrip prévu. En sortant de la maison, la beauté de l’Alpine me saute aux yeux. Le bleu racing mat de la carrosserie est franchement superbe. Il accroche les rayons de soleil bien mieux que n’importe quelle peinture métallisée et les pièces de carbone en rehaussent encore sa luminosité.
Mais le vrai bleu Alpine, ce n’est pas sur la carrosserie qu’il est, c’est sur ma fesse gauche, qui se prend le coin du baquet Sabelt à chaque fois que j’entre et sort de la voiture. C’est plus facile d’accès qu’une Lotus Elise/Exige, mais c’est plus douloureux aussi.
Heureusement, une fois installé, le siège est très confortable. Je galère un peu avec le harnais la première fois. J’ajuste, je resserre et je me rends compte que j’ai laissé mes lunettes sur la planche de bord… Inaccessibles. Alors je me détache, récupère les lunettes et recommence. On se fait avoir une fois à ce jeu.
Les premiers kilomètres sont une révélation : l’Alpine A110 R n’est pas la brute épaisse que l’on pourrait croire. Bien au contraire, elle se montre très civilisée dans la circulation d’un samedi matin en banlieue parisienne. Le couple moteur-boite est aussi facile à vivre que dans l’A110 S, tandis que l’amortissement semble mieux calibré que celui de cette dernière. En mode « normal » ou « sport », les aspérités de la route sont très bien filtrées et, chose étonnante, les dos-d’ânes multiples se passent sans soucis. Je m’attendais à ce que ça frotte de partout, ce n’est pas le cas. De tout l’essai, je n’aurais jamais frotté ni à l’avant ni à l’arrière.
Je retrouve Alban au départ de Dreux. Il est venu avec sa belle Lotus Exige Cup 360 (voir l’essai ici) et lui aussi est équipé en semi-slicks. Heureusement ce samedi après-midi s’annonce sec et ensoleillé (à défaut d’être chaud).
La circulation se raréfie en s’éloignant de la capitale et il est temps de passer en mode sport et de prendre le contrôle de la boite de vitesse. Car si la boite n’est pas foncièrement mauvaise en mode automatique, elle prend une tout autre dimension en mode manuel : obéissante, suffisamment rapide, elle s’accorde à merveille avec le moteur.
Mode sport donc, la réponse à l’accélérateur est plus franche, l’échappement est clairement plus vocal que dans l’A110 S. Malgré le froid, les pneus arrière arrivent à monter un peu en température. Il en résulte une motricité sans faille. En revanche, à l’avant c’est moins facile. L’Alpine A110R se montre par conséquent sous-vireuse. Mais contrairement à l’A110S, cela semble moins être le fait des réglages châssis que de la différence de grip entre les pneus arrière chauds tièdes, et ceux de l’avant qui n’arrivent pas à emmagasiner les calories en décembre.
Quoi qu’il en soit, la voiture reste très saine de comportement et facile à emmener. Il faut juste garder à l’esprit que l’inscription en courbe n’est pas acquise.
Si l’A110 R se veut pistarde, elle reste malgré tout un excellent outil pour se faire plaisir sur la route. Efficace et pourvoyeuse de sensations, elle permet de se faire plaisir sans atteindre des vitesses forcément répréhensibles (ou pas trop en tout cas).
Alpine A110R : l’avis d’un pilote chevronné
Le temps d’une étape du roadbook, nous échangeons les montures avec Alban. Le temps pour moi de réaliser à quel point l’Alpine est facile à emmener par rapport à l’Exige. Et aussi de voir que même avec 300 chevaux, la Dieppoise marche du feu de dieu ! Difficile de la suivre au volant de l’Anglaise malgré un surplus de 60 canassons. Il faut dire que dans l’Alpine, on peut garder les deux mains sur le volant tout le temps et que les vitesses passeront toujours plus vite avec une bonne boite robotisée qu’avec un levier et une pédale d’embrayage.
Pause-café, c’est le moment de débriefer avec Alban.
«Ça reste une A110 avec tout ce que la voiture a de bien. Très bien même. Mais s’il y avait quelques petites choses à revoir, ce serait centré autour du volant. Déjà il gagnerait à être plus vertical. Pas de beaucoup, un ou deux degrés. Puis les palettes sont trop courtes en bas. Avec un peu d’angle au volant, on a du mal à les attraper par-dessous.
Les freins sont par contre impressionnants. Sur les versions course (GT4 ou Europa Cup) l’arrière est léger au freinage. Là, on a l’impression que la voiture s’écrase sur ses 4 roues. Pas l’ombre d’un plongeon, la voiture se plante dans le sol avec un train arrière super stable. »
En reprenant le volant je vois tout de suite ce que veux dire Alban à propos du volant. En effet, en sortant de l’Exige où il est très vertical, on a l’impression de se retrouver dans une Austin Mini Cooper, en exagérant un peu (lire notre essai ici).
Pour ce qui est des palettes, c’est moins flagrant au début, mais dans une courbe à droite, alors que je veux passer de la seconde à la troisième, j’attrape le commodo de radio au lieu de la palette de droite. En effet, 2 cm de plus vers le bas ne seraient pas de trop.
Pour les freins, c’est malheureusement trop tard pour vraiment mettre à l’épreuve le ressenti du pilote. La température à commencé à chuter et un freinage un peu appuyé déclenche tout de suite l’ABS. Cependant je me rends bien compte que le freinage est très sécurisant et stable.
Alpine A110R : et en conditions “alpines” ?
Pour une virée dans le Perche, je ne saurais que vous conseiller une nuit au Moulin de Sevoux. Chambre d’hôte très agréable. Luc et Annick sont charmants et passionnés de voitures. Discussion entre amateurs éclairés, excellent repas et très bonne nuit dans de belles chambres.
Nous nous réveillons le dimanche matin sous une légère neige. Aïe, pas idéal avec nos montures du jour, mais il faut bien y aller.
La combinaisons propulsion/semi-slicks/neige incite à la retenue. Mais nous ne sommes pas là pour cueillir des fraises quand même. Étonnamment la tenue de route de l’Alpine n’est pas si mauvaise dans ces conditions. En tout cas à petite vitesse. Car dès que l’on hausse le rythme, l’Alpine A110 R reste bien soumise aux lois de la physique. Le grip varie au gré des couches de givre et les écarts de trajectoire sont nombreux. Heureusement le comportement sain de l’Alpine A110 R évite les situations trop scabreuses. Mais il faut garder en tête que la glisse n’est jamais loin. Il faut donc prendre de la marge avec le bord de la route…Et encore plus dans les phases de freinage.
Les rayons de soleil arrivent peu à peu à faire fondre la fine couche blanche sur la route et nous pouvons hausser le rythme. L’Alpine A110 R reprend alors de sa superbe et enroule les courbes rapides en toute sérénité, toujours avec un peu de sous-virage dû aux pneus avant toujours plus froids qu’à l’arrière.
En conclusion
L’A110 a conquis tous ceux qui en ont pris le volant. Cette version R se veut la plus « extrême » de la gamme jusqu’à maintenant. Mais de radical, l’Alpine A110 R n’en demeure pas moins une excellente compagne routière. Plus exigeante pour le conducteur (harnais à enfiler, éléments de carrosserie plus fragiles, pneus peu adaptés aux températures basses), elle reste tout de même très civilisée et presque adaptée à une utilisation quotidienne. Les conditions de l’essai n’ont pas permis de tester ses compétences de pistardes, mais il serait faux de penser qu’elle n’est faite que pour les trackdays.
Malgré tout, elle n’est pas à mon sens la meilleure Alpine de la gamme routière. Son positionnement tarifaire (119 840€ selon le configurateur Alpine pour notre modèle d’essai) lui confère un moins bon rapport prix-plaisir que les versions A110, A110 S et A110 GT (lire notre essai ici). Sur route il sera en effet aussi plaisant, si ce n’est plus, de rouler en version basique pour près de la moitié du prix.
Avec l’Alpine A110 S, à équipement équivalent l’écart de prix se réduit quelque peu (environ 30 000€), mais de mémoire l’A110 S était moins cohérente en termes de comportement (confort et équilibre). Donc sur ses qualités propres, l’Alpine A110 R est à mon avis meilleure que l’A110 S.
Alors, l’Alpine A110 R est-elle une bonne voiture ? 1000 fois oui ! Est-elle plus sportive que les autres versions de la berlinette moderne ? Oui aussi. Mais malheureusement pour elle, elle ne se démarque pas suffisamment du reste de la gamme en radicalité pour justifier l’écart de prix.