Essai Alpine A110 S : En supplément
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Essai Alpine A110 S : En supplément

Après avoir essayé l’Alpine A110 « normale » en version Pure (lire ici), il me tardait de prendre le volant de la (réputée) plus performante version « S ». Avec cependant une petite appréhension suite aux différents articles lus à son sujet. Si des journalistes réputés et expérimentés ont déjà mis en avant les différences entre les versions de base (restons sur l’appellation « Normale » par facilité) et la « S », que vais-je pouvoir raconter de nouveau ?

Nostalgie, filiation et concurrence

Quels sont les moteurs de l’acheteur d’une voiture de sport ? Selon moi il y en a 4 principaux.

Le premier, le paraître. Même si la tendance est moindre qu’il y a quelques décennies, rouler en voiture de sport continue de véhiculer une image de réussite et de dynamisme. Il s’agit de voitures esthétiques, souvent réputés chères, rapides et rares. L’acheteur d’un coupé sport peut donc chercher à passer un message : je suis riche ; j’aime ce qui est cher et rare, voir inutile ; et je suis dynamique puisque attiré par la performance.

Ce premier moteur n’est pas rare, mais il n’est à mon sens pas représentatif des vrais passionnés. Certes il est toujours agréable de se promener dans une belle voiture qui attire l’œil, mais pour le passionné, ce ne sera jamais le premier critère d’achat.

Le second moteur, certainement le plus courant chez les vrais passionnés sera la performance. La recherche de la meilleure voiture dans sa catégorie. La plus rapide, la plus efficace. C’est ce moteur qui explique la course en avant que se livrent depuis toujours les constructeurs. Chaque nouveau modèle se voulant plus puissant que le précédent, plus rapide sur le Nurburgring. Cette recherche de la performance permet aux constructeurs aussi de se « voler » une part de la clientèle les uns aux autres.  En effet les clients guidés par la performance, n’hésiteront pas à troquer leur Renault Megane RS pour une Honda Civic type R, ou bien leur Ferrari 488 pour une McLaren 720S. Tant que la nouvelle est plus performante. Mais cette recherche de performance est aussi une aubaine pour les constructeurs dans la recherche de fidélisation de leur clientèle. En sortant une nouvelle version d’un modèle à succès, ils peuvent vendre un nouveau jouet à un client. Cette stratégie a permis à Lotus de survivre ces dernières années en proposant tous les 6 mois une nouvelle Elise, Exige ou Evora avec 10 ch de plus et 10 kg de moins que la précédente.

Le troisième moteur, la filiation. Pour certains clients, la passion d’une marque ou d’un modèle garantira leur fidélité. Mais cette fidélité n’est possible que si, au fil des générations de véhicules, la marque en question a réussi à garder un fil conducteur, une âme, un esprit qui transcende les années pour se retrouver toujours renouvelé. Lotus avec la légèreté. Porsche avec le flat 6, Audi la traction intégrale. Cette filiation peut paraître secondaire aux équipes marketing des constructeurs, mais plus la passion repose sur la filiation, plus grand est le risque de se couper de son public en cas de dérive. L’histoire de Porsche en est un parfait exemple : l’impossibilité de « tuer » la 911 dans les années 1980, le retour du flat 6 dans les Boxter et Cayman depuis quelques mois. Si le client passionné ne se retrouve pas dans les nouveaux produits, il abandonne la marque. Indépendamment de la qualité intrinsèque des nouveautés.

Le quatrième et dernier moteur : la nostalgie. Nombreux sont les passionnés qui ont hérité leur amour des voitures de leurs héros de jeunesse. Que ce héro soit leur père, oncle, grand cousin, voisin au bout de la rue ou détective privé en short et chemise à fleur à Hawaï. Parmi mes amis (majoritairement es quadragénaires bien tassés), combien s’extasient devant une Peugeot 205 GTi, une Ferrari 308 GTS ou une Lotus Esprit ? Tous en fait. C’est que ces souvenirs de jeunesse, l’émerveillement de voir passer une voiture de sport pilotée avec dextérité, réveille en nous l’enfant que nous étions alors. Réussir à activer ce levier chez un client est d’autant plus difficile que cela nécessite d’être générateur de rêve dans la durée. Une Kia Stinger est objectivement une bonne berline sportive, mais la marque n’a pas d’historique (en Europe au moins) et la Stinger n’évoque rien au petit garçon qui sommeille en moi. Au contraire, une Mini Cooper S actuelle me rappelle la Cooper 1300 qui traversait mon village à fond de cale (au moins 65 km/h !) en 1980. Exemple encore plus frappant : dans les années 1990, Lancia, Toyota, Subaru et Mitsubishi se livraient une lutte acharnée en rallye. Je rêvais de la Delta, descendante des Stratos et 037, alors que l’Impreza ou la Lancer me laissait de marbre. 30 ans après, l’essai de la dernière Lancer Evo X m’évoquait Tommi Makinen et toutes les victoires glanées en championnat du monde. Le fruit de 15 ans de présence au plus haut niveau tant en compétition que sur la route.

Voilà une bien longue introduction. Mais cela me semblait important pour re-situer l’Alpine A110 dans le contexte actuel.

Car la marque Alpine ne pourra être pérenne que si elle joue sur les quatre moteurs d’achats précités.

C’est sur la nostalgie en premier lieu que la marque s’est appuyé pour renaître. La Berlinette originale, rêve des baby-boomers. La A310 qui a repris le flambeau avec courage et la A610 (et dérivés) qui ont maintenu avec brio la France dans le peloton des pays producteurs de coupés sportifs pendant encore quelques années. Le retour l’Alpine était un rêve devenu réalité pour tous ces clients potentiels.

Puis, la A110 normale a sécurisé la case filiation. De par sa ligne bien entendu, mais surtout son comportement. La Berlinette, reine du contre-braquage, avait une descendante digne d’elle. Une voiture à piloter, indépendamment de la vitesse absolue. Une voiture joueuse mais tellement intuitive qu’elle est encore unique dans sa catégorie trois ans après sa sortie.

Restait jusqu’alors la case performance. Non pas que cette dernière soit mauvaise dans l’absolu, mais avec 252 ch et des réglages plus “fun” qu’efficaces, l’A110 normale reste en retrait de ses concurrentes potentielles (Audi TTS et RS, Porsche Cayman 718, Toyota Supra GR…).

Cocher la case performance

C’est bien dans cette optique que s’inscrit l’A110S : cocher la case performance. Car si les clients nostalgiques et en quête de « l’âme Alpine » étaient comblés avec l’A110 normale, ceux cherchant la meilleure voiture possible dans la catégorie pouvaient jusqu’alors hésiter à le contenter des 252 ch et réglages souples de la seule auto au catalogue. Chez la concurrence, la barre des 300 ch était déjà allègrement franchie et les châssis optimisés pour chasser le chrono sur un tour de circuit.

Avec 40 ch en plus (pour culminer à 292 ch), un poids toujours plus contenu qu’ailleurs (sauf à Ethel) et des réglages plus fermes, l’A110S revêt une personnalité bien différente de l’A110 normale. En premier lieu les accélérations sont, tout du moins en ressenti, plus franches. Le moteur semble avoir plus d’allonge. La boite s’accorde toujours très bien avec cette mécanique et il est facile de prendre du plaisir à jouer avec les grandes palettes pour changer les rapports en profitant des déflagrations à l’échappement. Dans mon essai de l’A110 Pure, j’écrivais que cette dernière avait « le bon niveau de puissance pour se faire plaisir sur la route sans se faire peur ». Je persiste dans ces propos, en rajoutant que l’A110S a quant à elle le niveau de puissance maximum permettant de se faire encore plaisir sur la route sans se faire peur. Avec 50 ch de plus (que la voiture pourrait encaisser sans trop de soucis), ce ne serait pas plus drôle sur route ouverte.

Mais si la partie mécanique apparaît un peu mieux qu’à bord de l’A110 normale, c’est dans sa partie cycle que repose la plus grande différence. Alors que la version normale ne demande qu’à sur-virer dès que l’on enfonce la pédale de droite avec les roues braquées, l’A110S de son côté ne propose que du sous-virage lorsqu’on la brusque de la sorte. Certes cela apparaît loin tant le grip est bon, mais c’est une première impression quelque peu déroutante et à vrai dire décevante. Une Alpine qui sous-vire, où va le monde ?!

Avec un peu plus d’habitude, il se confirme que l’adhérence est bien supérieure à celle de l’A110 normale. C’est donc un bon point pour la partie performance. Cependant, il reste possible d’aider la voiture à pivoter. Non pas à l’accélérateur, mais au levé de pied. Ouf, l’honneur Dieppois est sauf ! Il est par contre difficile de véritablement jouer avec cette mobilité du fait des vitesses atteintes en virage. Sur piste peut-être, mais pas au milieu de la circulation. En caricaturant fortement le trait, je dirais que l’A110S s’est rapprochée d’une Audi TTS en termes de comportement. Elle est facile d’accès et sécurisante à la limite, mais du coup elle est moins amusante aussi.

 

Un confort…différent

Si les performances et l’efficacité sont en progrès, c’est moins le cas du confort. Non pas que l’A110S se soit transformée en Lotus Elise, mais les réglages de châssis semblent avoir raffermi fortement les suspensions, nuisant par la même occasion au confort fessier. Cela reste supportable, même pour un usage quotidien, mais clairement la situation est meilleure de ce point de vue dans la version normale. D’un autre côté, l’équipement est très complet, l’infotainment assez intuitif et toutes les fonctionnalités attendues à ce niveau de tarif sont à mon avis présentes. Les deux coffres proposent toujours un espace de chargement suffisant pour le quotidien et même pour partir en week-end à deux. Comme par ailleurs le niveau sonore est toujours bien maîtrisé, l’A110S peut prétendre à un rôle de voiture de tous les jours sans exiger trop de sacrifices.

Conclusion

L’Alpine A110S ne surclasse pas à mon avis la A110 normale. Elle la complète plutôt. Dans une optique de marque, elle permet de cocher une case supplémentaire par rapport à sa « petite sœur ». Si l’A110 normale s’adresse en priorité aux nostalgiques et aux puristes à la recherche d’une voiture capable de danser dans les virages à la moindre pression sur l’accélérateur, l’A110S elle s’adresse plus à ceux qui auront à cœur de rouler vite et efficace. Sur piste, mais aussi sur route. Ceux qui hésiteront au moment de l’achat avec une Audi TTS ou une Porsche Cayman 718. Pour ces clients l’Alpine pourra mettre en avant des performances intéressantes, une efficacité certaine et une grande facilité au volant. Une belle réussite en soi.

 

Personnellement, le jour où je me mettrai en chasse pour acheter une Alpine (cela risque d’arriver, fatalement vu les qualités de l’auto), je privilégierai la version normale pour le plaisir qu’elle est en mesure d’apporter au quotidien sans pour autant risquer son permis de conduire à chaque seconde.

Pour finir, qu’en est-il du « paraître » en moteur d’achat qui motivera la dernière catégorie de prospects ? Il faudra qu’Alpine s’inscrive dans la durée pour que ces clients potentiels s’intéressent à la marque. Pour l’instant, il y a fort à parier qu’ils préféreront sécuriser leur image au volant de véhicules allemands. Mais avec les engagements en sport automobile annoncés dernièrement (F1 et LMP1), pour peu qu’ils soient couronnés de succès, et les qualités intrinsèques des modèles commercialisées, qui sait. Dans 10 ans peut-être, défiler sur les champs en Alpine pourrait être un signe de réussite universellement reconnu. En attendant l’Alpine A110S a le bon goût de s’afficher à un tarif très compétitif comparé à la concurrence. Sans même parler du malus écologique des plus raisonnables pour la catégorie.

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Pip's

2 commentaires

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  • L’Alpine, A110 ou A110S dispense en effet énormément de plaisir au volant. La légèreté dans les deux cas, les différences de réglages entre l’A110 et l’A110S qui en font deux voitures distinctes mais le plaisir de conduire est partie intégrante de la “filiation” dans les deux cas. Peut-être un peu plus pour la version de base à mon avis.

  • Bonjour,

    On retrouve de manière évidente dans votre essai un autre critère d’achat que vous n’avez pourtant pas cité : le plaisir de conduire voire de piloter. C’est ce que sacrifient beaucoup de marques pour aller vers des voitures toujours plus puissantes, équipées … et lourdes.

    Cordialement

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